Développer l’autonomie de mon enfant

Apprendre à décider par soi-même, ça ne vient pas d’un coup à 18 ans ! L’apprentissage de l’autonomie se fait pas à pas, au quotidien, chaque enfant à son rythme. Les parents se doivent « d’accompagner leur enfant sur la route, mais pas de tracer la route à sa place » nous rappelle François de Singly, sociologue de la famille. Mais comment faire, pour développer l’autonomie de son enfant au quotidien ? Dans quel domaine peut-il fixer seul ses propres règles ? Y a-t-il des âges à partir desquels on peut donner telle ou telle responsabilité à un enfant ?

De quoi parle-t-on lorsqu’on évoque l’autonomie de l’enfant ?

L’autonomie est d’abord un objectif pédagogique. Elle n’est pas nouvelle dans l’éducation. Dès la philosophie des Lumières, l’éducation vise à ce que chaque individu puisse être autonome, c’est-à-dire qu’il puisse fixer ses propres règles, éclairé par la raison.

Dans l’éducation traditionnelle, jusqu’aux années 1960, on considérait qu’un enfant devait être discipliné, c’est-à-dire apprendre toutes les règles, pour qu’un jour il puisse les appliquer lui-même. C’était plutôt simple : quand on était mineur, on ne fixait pas les règles, quand on devenait majeur, on le pouvait (à 21 ans jusqu’en 1974, puis à 18 ans, ndlr)

Aujourd’hui, l’objectif n’a pas changé : on recherche toujours l’autonomie. Mais on considère qu’elle s’apprend progressivement. Et pour vous, parents, cela peut être beaucoup plus difficile ! Car il n’y a aucun livre qui peut vous dire à quel moment et dans quel domaine votre enfant pourra décider de ses propres règles concernant les loisirs, l’école, la vie de famille. Tout cela va se construire au quotidien, avec des essais et des erreurs !

Existe-il des domaines « réservés aux adultes » ?

L’autonomie, idéalement, c’est l’existence de règles fixées par l’enfant, mais cela doit se faire progressivement. Nous, les adultes, devons poser les règles dans un premier temps.

Certains domaines vont relever de la compétence des parents, d’autres de celui des enfants. Par exemple, si votre enfant entre en sixième, vous allez certainement choisir la langue étrangère qu’il va apprendre, mais lui choisira son cartable.

Il y a une zone d’exercice où l’enfant est autonome, et une autre où il ne l’est pas. Les enfants agrandissent progressivement cette zone, mais ce sont bien les parents qui vont les aider à la définir. Cela veut aussi dire déterminer les interdits, car bienveillant ne veut pas dire sans interdits !

Quand l’éducation était centrée sur la discipline, c’était assez simple : les parents disaient oui ou non et c’était comme ça. Aujourd’hui, on estime que les enfants ont aussi le droit de décider et on leur laisse une place pour choisir par eux-mêmes.

Une liberté de choisir face à laquelle les parents sont parfois en difficulté…

Vous pouvez être un peu perdus, car vous souhaitez que votre enfant soit autonome, mais vous ne voulez pas être laxiste pour autant. Et d’un autre côté, vous avez peur d’être autoritaire si vous fixez trop de règles vous-même. Il faut fixer un équilibre, un entre-deux. Et cet entre-deux est laissé libre ! Il ne peut s’apprendre que dans une logique d’interaction.

Dans les années 30, l’éducation était globalement la même d’une famille à l’autre. Aujourd’hui, chaque famille est unique. C’est pour cela que les parents peuvent être perdus, et c’est normal de l’être. Vous devez accompagner votre enfant sur sa route vers l’autonomie, mais sans l’entraver. Il faut écouter votre enfant pour tenir compte de ses envies et de ce qu’il est capable de faire.

S’il n’y a pas de règles universelles, peut-on tout de même conseiller les parents pour accompagner leurs enfants sur leur route vers l’autonomie ?

Vous pouvez expliciter les domaines sur lesquels il n’y a pas de négociation possible. L’école, par exemple, est un domaine où il y a en général très peu de place à l’expression de choix personnels de l’enfant.

Dans les domaines d’expression personnelle de l’enfant, comme le choix des loisirs, vous pouvez être à l’écoute. Ne pas seulement lui dire « Fais ce que tu veux » mais être attentif au monde qui le concerne. Mon petit-fils s’intéresse au foot alors que personne dans la famille ne s’y intéresse ! C’est son monde à lui. Alors je me suis mis à acheter l’Équipe et je lui envoie les notes des joueurs.

Le maître-mot en éducation progressive, c’est que l’enfant ait des domaines d’expression personnelle et que vous soyez à l’écoute pour qu’il puisse s’y exprimer et s’y accomplir, même si ses choix ne vous enchantent pas forcément. Il faut assumer le fait que les routes de vos enfants soient différentes des vôtres.

Par contre, vous pouvez intervenir dans ses zones d’autonomie. Par exemple, s’il s’intéresse au football mais qu’il se décourage rapidement, lui dire de faire au moins trois matchs avant d’abandonner. Mais il ne vaut mieux pas définir ses centres d’intérêt à sa place. Si vous le faîtes, il en choisira d’autres et il aura bien raison !

Qu’apporte cet apprentissage progressif de l’autonomie à nos enfants ?

En apprenant l’autonomie progressivement, ils apprennent à être des individus qui auront tout au long de leur vie des décisions à prendre ! On peut vouloir changer de mode de vie ou être contraint de changer de métier. Dans un monde de plus en plus incertain, être autonome n’est pas un luxe, c’est une nécessité.


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François de Singly est professeur émérite de sociologie à l’Université de Paris. Il est spécialisé en sociologie de la famille et du couple, de l’éducation, de l’enfance et de l’adolescence. Il est auteur de plusieurs livres parmi lesquels “Comment aider son enfant à devenir lui-même ?”


Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant vers l’autonomie :

À lire :

  • Comment aider son enfant à devenir lui-même, François de Singly
  • J’suis pas motivé, je fais pas exprès, Brigitte Prot
  • 100 façons de rendre son enfant autonome, Anne Bacus

À découvrir :

Pour les parents :

Pour les enfants :

Attention, les écrans ne sont pas toujours les amis de nos enfants ! Pour avoir quelques conseils pour gérer le rapport aux écrans de vos enfants, découvrez cette interview de Michael Stora

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