Les familles homoparentales, des familles comme les autres, avec Jean Chambry

Les schémas familiaux se sont profondément modifiés ces dernières décennies. Aujourd’hui, les familles sont multiples : monoparentales, recomposées, homoparentales. Selon de nombreuses études, grandir dans une famille homoparentale, c’est-à-dire dont les parents sont un couple gay ou lesbien, n’influe aucunement sur le bien-être ou le développement des enfants. Pour autant, les discriminations et les stéréotypes subsistent. Alors, est-ce différent de grandir dans une famille homoparentale ? Comment accueillir la parole de notre enfant si celui-ci est victime de remarques ou moqueries liées à sa famille ? Comment éveiller nos enfants aux diversités familiales ? Pour le pédopsychiatre Jean Chambry, le plus important pour l’enfant est de grandir dans une famille aimante, quelle que soit sa composition.

Comment en êtes-vous venu à travailler sur ce sujet ?

Mon travail autour des familles homoparentales part d’abord de mes expériences de consultation. Depuis une quinzaine d’années, des familles homoparentales viennent me consulter. Et le constat est très clair, ces familles et ces parents sont comme tous les autres : avoir deux mamans ou deux papas ne perturbe pas du tout le développement de l’enfant, sauf si son environnement extérieur, à l’école par exemple, stigmatise ses parents.

Les enfants et les parents qui me consultent le font parce qu’ils éprouvent des difficultés : un mal-être de l’enfant, des difficultés liées à la parentalité, des doutes sur un sujet en lien avec l’éducation de leurs enfants, etc. Mais ces difficultés ne diffèrent en aucun point de celles éprouvées par d’autres familles, composées d’un couple hétérosexuel ou d’un parent seul. Il faut donc banaliser ces situations et ne pas faire de l’homoparentalité une dimension spécifique de l’accompagnement.

Que disent les travaux de recherche sur le sujet ?

De nombreuses recherches ont été menées, notamment dans les pays anglo-saxons, depuis des dizaines d’années. Ainsi, des enfants de familles volontaires, homoparentales et hétérosexuelles, ont été suivis sur plusieurs années par des chercheurs. Ils ont participé à des examens psychologiques, des tests de développement, des analyses de leurs performances à l’école, des questionnaires sur leur bien-être, etc.

Tous ces travaux montrent que les enfants de familles homoparentales ont le même développement que les autres, et que la nature du couple n’a aucun impact sur le développement ou la santé de l’enfant.

Quelles sont les difficultés spécifiques auxquelles l’enfant de famille homoparentale peut être confronté, dans ou hors de sa famille ?

Dans sa famille, l’enfant peut souffrir d’un sentiment de secret par rapport à ses origines, un malaise des adultes pour répondre à toutes les questions qu’il se pose. Hors de la famille, l’enfant peut être stigmatisé, victime de harcèlement, de moqueries liées à sa situation familiale.

Comment parler à son enfant de son histoire ?

Il faut que les parents puissent en parler le plus tranquillement possible. Ils peuvent raconter comment ils se sont rencontrés, pourquoi ils ont eu un désir d’enfant et le parcours de procréation qui a suivi. Si les adultes sont clairs, les enfants comprendront, car ils ont une capacité de compréhension et d’adaptation très développée.

Ce qui est important dans le développement de l’enfant, c’est qu’il comprenne que des adultes qui s’aiment ont décidé de construire une famille et que ce sont eux qui ont eu envie de le faire grandir. C’est aussi simple que cela : être conscient qu’il est le fruit de l’amour, ce sont ses meilleures armes.

Les enfants, à partir de six ou sept ans, peuvent en effet se poser cette question : « Pourquoi je suis là ? ». Si l’enfant est en capacité de se dire : « Je suis là parce que des gens qui s’aiment avaient envie que j’existe », peu importe que ce soit un couple hétérosexuel ou homosexuel, il a ses réponses et se sent tranquillisé et aimé.

À l’inverse, s’il se demande pourquoi il est venu au monde, s’il n’est pas conscient d’avoir été désiré, alors là, oui, il peut développer une fragilité dans sa construction identitaire, source d’un trouble de l’estime de soi.

Les réactions des autres adultes pèsent-elles dans le bien-être des enfants de familles homoparentales ? 

Oui. L’enfant va être en souffrance s’il sent qu’il vit une situation d’anormalité. Ce climat peut souvent survenir à l’école. Il est donc important que les professeurs, et les adultes en général, soient à l’aise et sachent trouver les mots pour parler des couples homoparentaux. Une communication sereine qui banalise la situation, avec des mots simples et sans non-dit, est ce qu’il y a de plus adapté.

Pour cela, on peut utiliser des supports comme ceux de l’association LGBT Contact, pour parler aux enfants du sentiment amoureux. Expliquer que lorsqu’on grandit, on tombe amoureux, tout simplement. Et que si un couple homosexuel souhaite avoir des enfants, les futurs parents peuvent avoir une assistance médicale pour le faire.

Cette banalisation est le meilleur facteur protecteur pour les enfants. L’enfant comprend que lui-même pourra bénéficier d’une écoute auprès des adultes quand il se posera des questions.

Quel chemin reste-t-il à parcourir pour lutter contre les discriminations de ces familles ? 

Globalement, on a beaucoup avancé ces dernières années. Il y a encore quinze ou vingt ans, en consultation psychologique par exemple, on pouvait entendre qu’on ne recevait que les parents biologiques, que ce soit pour des familles homoparentales ou des familles recomposées. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, la diversité des familles n’est plus une question.

Ces couples et ces familles sont de plus en plus considérés comme des familles ordinaires. Mais il peut y avoir encore, dans certaines familles, des blagues récurrentes ou des tabous qui ne vont pas faciliter le dialogue. Certaines personnes sont encore mal à l’aise avec ce sujet. Il y a évidemment une grande diversité selon les lieux de vie: ce n’est pas pareil d’être une famille homoparentale dans un milieu à l’aise avec la culture LGBT ou sans aucune expérience à ce sujet.

Et il existe aussi des personnes qui peuvent avoir des discours très fermés, sur le fait qu’une famille est forcément hétérosexuelle, comme on l’a vu au moment de la loi sur le mariage pour tous.

L’acceptation de ces schémas familiaux a progressé ces dernières années mais les événements récents nous ont montré que cette vision n’est pas partagée par tous. Il reste donc encore du chemin pour assurer le bien-être des enfants venant de ces familles.


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Jean Chambry est pédopsychiatre, chef du pôle de pédopsychiatrie 750109 au sein du GHU Paris psychiatrie & neurosciences.


Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :

Ouvrages jeunesse

Tango a deux papas, et pourquoi pas ?, de Béatrice Boutignon, éditions Le Baron perché

Familles, de Georgette, éditions Didier Jeunesse

Mes deux mamans, d’Anna Zobel et Bernadette Green, éditions Talents hauts

Pour les grands

Une histoire de famille, de Jennifer Schwarz, éditions Robert Laffont

 

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