Les animaux et l’enfant, avec Marine Grangeorge

« Je voudrais un chien ! » « On peut avoir un chat s’il te plaît, je m’en occuperai ! » : ces phrases, la plupart des parents les ont déjà entendues. En France, un foyer sur deux a passé le cap en adoptant un animal de compagnie. Mais qu’apportent ces compagnons au quotidien à votre enfant ? Quelles sont les bonnes questions à se poser avant d’adopter ? Si vous ne souhaitez pas avoir d’animal à la maison et que votre enfant en réclame un, que faire ? Faisons le point avec Marine Grandgeorge, maitresse de conférences en éthologie au laboratoire d’éthologie animale et humaine de l’Université de Rennes

Combien de familles possèdent des animaux de compagnie en France ?

En France, un foyer sur deux environ possède au moins un animal de compagnie. Cet animal est en majorité un chat, suivi de près par le chien, puis le poisson. Il y a aujourd’hui 75 millions d’animaux de compagnie en France. C’est trois fois plus qu’il y a vingt-cinq ans !

Comment expliquer cet engouement ?

On peut d’abord noter une envie de retour à la nature, au vivant, qui peut passer par la création de lien avec un animal. Le statut de l’animal a aussi évolué : il devient un membre à part entière de la famille, avec qui on créé un lien privilégié. Enfin, les médias ont largement mis en avant ces derniers temps les bénéfices apportés par la présence d’un animal à la maison.

Quels sont ces bénéfices ?

Au niveau de la santé globale, on constate des effets positifs. Les enfants exposés très jeunes à des animaux renforcent leurs défenses immunitaires, ce qui réduit les risques de développer de l’asthme ou de l’eczéma tout au long de la vie. Le risque d’obésité est aussi réduit car les enfants vont plus facilement courir et jouer avec leur animal. Chez les personnes âgées, les études montrent des effets positifs sur la santé mentale et physique, comme un taux de survie plus important après une crise cardiaque.

Les effets sur la santé sont aussi visibles à court terme. Les animaux ont un effet anxiolytique : ils font diminuer le taux de cortisol lié au stress qui, en trop forte quantité, peut être mauvais pour la santé. Pendant le confinement, les personnes vivant avec un animal se sont senties moins isolées, moins déprimées.

Prendre soin d’un animal renforce aussi l’estime de soi des enfants : en prenant soin d’un autre être vivant, ils deviennent plus autonomes et montent en compétence, sous la supervision des adultes.

L’animal est aussi un confident : quand on interroge les enfants sur la personne à qui ils se confient, nombreux sont ceux qui citent leur animal. Quand on raconte un secret à son lapin, on peut être sûr qu’il ne sera pas répété !

Enfin, on constate un renforcement du lien social, y compris dans des sphères où l’animal n’est pas présent : à l’école, l’enfant va parler de son animal, échanger avec les autres enfants sur le sujet, on va s’intéresser à lui via son animal.

Les effets positifs sont donc très nombreux. Mais ces effets n’existent que lorsqu’une relation privilégiée se créé avec l’animal, si l’enfant le nourrit, joue avec lui. Il arrive que le lien ne se créé pas et cela n’est pas forcément un échec : il peut y avoir de nombreux facteurs pour l’expliquer et cela ne veut pas dire que l’enfant ne créera jamais de lien avec les animaux, ou même avec cet animal. En grandissant, l’enfant et l’animal peuvent se rapprocher.

Que faire si mon enfant réclame un animal ?

Ce n’est pas une décision à prendre à la légère : adopter un animal doit constituer un vrai projet de famille sur lequel on a réfléchi en amont. Même si l’enfant garantit qu’il s’en occupera, le soin à l’animal doit rester la responsabilité des parents. Il faut que chacun ait conscience des coûts et de la responsabilité que cela implique.

Il faut penser au coût financier, environ 500 € par an et par animal. Mais aussi au temps passé à s’en occuper, aux bêtises que l’animal va faire dans la maison au début, etc. Il peut y avoir une déception liée à la désillusion entre ce que l’on projetait sur la vie avec l’animal et la réalité. C’est pourquoi il faut bien anticiper car cette désillusion peut mener à un risque d’abandon.

Si notre enfant réclame un animal, on peut commencer par identifier les envies de l’enfant : il veut un animal pour jouer, pour le câliner ? Observez les animaux autour de vous : l’enfant a-t-il un attachement à une espèce en particulier ? Selon que vous vivez en ville ou à la campagne, certaines races de chiens ou de chats correspondront davantage car ils n’ont pas les mêmes besoins et les mêmes tempéraments : un border-collie ne pourra pas vivre dans un appartement de 20 mètres carré. Sur ce sujet, vous pouvez vous renseigner lorsque vous envisagez d’adopter, à la SPA ou dans les élevages. Vous pouvez aussi faire un test : accueillir l’animal d’un ami ou d’une amie de l’enfant pendant les vacances, par exemple.

Ensuite, il faut vraiment associer l’enfant au choix de l’animal : surtout, éviter de le mettre dans une boîte sous le sapin parmi les cadeaux. L’enfant a alors plus de risques de l’associer à un objet. On constate malheureusement que les animaux reçus en cadeau aux périodes de Noël présentent davantage de risques d’être d’abandonnés l’été suivant.

Et si, en tant que parent, j’ai des réticences ?

Si les parents ne sont pas partants, il ne faut pas se forcer pour faire plaisir à l’enfant. Adopter un animal est un projet familial auquel tout le monde doit adhérer. S’il s’agit d’une contrainte pour les parents, il y a peu de chance que cela soit une réussite.

Si les parents ne veulent pas adopter un animal ou que la situation financière ou de logement ne le permet pas, on peut imaginer d’autres choses qui permettent de favoriser le lien entre l’enfant et l’animal : se rendre dans une ferme pédagogique ou dans un centre équestre régulièrement, par exemple.

Le lien à l’animal est aussi très bénéfique chez les enfants neuroatypiques…

Oui, les recherches montrent l’importance des animaux notamment chez les enfants avec trouble du spectre autistique. Ils vont recevoir les mêmes bénéfices que les autres, mais aussi des effets supplémentaires comme une meilleure communication, une augmentation des interactions sociales ou une meilleure compréhension des émotions. Par exemple, un enfant avec TSA va avoir plus de facilité à comprendre les émotions des animaux. Et sur un plus long terme, il pourra transférer cette compétence sur les êtres humains et mieux comprendre les émotions de ses parents, ses frères et sœurs, ses amis.

Certains enfants avec TSA vivent avec un chien d’assistance qui peut les accompagner partout. C’est un vrai apport dans le quotidien de l’enfant et même dans le quotidien de la famille : par exemple, via la présence du chien reconnaissable comme chien d’assistance grâce à sa cape, les personnes présentes lors d’une crise dans l’espace public peuvent identifier ce handicap de l’enfant et ajuster leurs réactions. Les familles se sentent mieux comprises.

Certaines écoles accueillent aussi des animaux ?

Oui, et c’est très intéressant car dans tous les cycles de l’éducation, il existe un programme sur le rapport au vivant et à l’animal. Les enseignants peuvent donc s’appuyer sur l’animal vivant présent en classe pour l’éducation au quotidien.

Depuis quelques années, il existe aussi des chiens d’assistance à la réussite scolaire, présents par exemple dans des classes ULIS (les classes accueillant des élèves en situation de handicap). Ces chiens sont présents en classe toute la journée et apaisent les élèves. Ils renforcent aussi les liens entre enfants.

À l’école comme à la maison, les animaux sont donc très souvent une source d’épanouissement pour les enfants.


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Marine Grandgeorge est maitresse de conférences en éthologie au laboratoire d’éthologie animale et humaine de l’Université de Rennes.


Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :

À lire

« L’Animal et l’enfant avec troubles du spectre autistique : une relation au quotidien », de Marine Grandgeorge, éd. L’Harmattan.

« Quand les animaux nous font du bien », de Laurence Paoli, éd. Buchet Chastel

« L’Enfant qui parlait aux animaux », de Roald Dahl, éd. Gallimard Jeunesse

« Un animal, une histoire », de Cécile Benoist, éd. Actes Sud junior

 

À découvrir

Le site de la Fondation Adrienne et Pierre Sommer

Le site de Canidéa, confédération des organisations de chiens d’aide aux personnes

Un poster pour comprendre le langage des animaux

La plaquette de la délégation ministérielle à l’Accessibilité est dédiée aux chiens guides d’aveugles et aux chiens d’assistance.

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