Parler des premières règles aux filles comme aux garçons, avec Élise Thiébaut

À cause de différents facteurs environnementaux et alimentaires, les règles arrivent de plus en plus tôt : la moyenne des premières règles est aujourd’hui à douze ans et demi en France. Le sujet, encore tabou, n’est pas toujours évoqué en famille avant l’apparition des premières règles. Alors comment faire pour parler des règles à nos enfants ? Y a -t-il un âge à partir duquel évoquer le sujet ? Comment et pourquoi en parler aussi aux garçons ? On fait le point avec Élise Thiébaut, journaliste, autrice, et intervenant en milieu scolaire.

Est-ce qu’il y a un âge à partir duquel parler des règles avec nos enfants ?

Le bon âge auquel en parler, c’est tout simplement l’âge auquel les questions surviennent. Elles peuvent venir très jeune, à quatre ou cinq ans, par exemple si l’enfant voit des serviettes, des tampons ou une coupe menstruelle dans les toilettes, ou encore s’il y a un peu de sang resté par inadvertance sur la cuvette.

De la même manière que pour les questions qui touchent à la sexualité, les enfants n’ont pas toujours la maturité pour appréhender concrètement ce que cela implique. Ils pourraient mal interpréter ou être choqués. On peut donc expliquer des choses sur les règles, à cet âge, seulement s’il y a une question et sans entrer dans les détails si l’enfant ne le demande pas. On peut dire par exemple : « Les règles, c’est du sang qui coule et c’est quelque chose de naturel qui arrive quand on est grande et qui signifie qu’on peut avoir des bébés. »

C’est important de préciser que les enfants ne peuvent pas avoir de bébé. Parce que beaucoup d’enfants fantasment et croient qu’ils peuvent avoir des enfants.

Quelle est la moyenne d’âge des premières règles ?

Aujourd’hui, la moyenne d’âge des premières règles en France est à 12 ans et demi. Elle baisse, car les perturbateurs endocriniens et les produits sucrés, par exemple, augmentent le taux d’œstrogène dans le corps, ce qui a pour effet de perturber le fonctionnement hormonal et d’avancer la date des premières règles.

Certains enfants vont donc avoir leurs règles, à neuf ou dix ans. D’autres à seize ou dix-sept ans. Dans une classe de CM2, il y en a potentiellement déjà quatre ou cinq qui ont leurs règles.

Faut-il aborder le sujet avec les filles si elles ne le font pas d’elles-mêmes ?

On peut demander à notre enfant si elle en a déjà entendu parler, si ça l’intéresse, si ça l’inquiète. C’est important de partir de ce qu’elle sait déjà et de ses interrogations.

Je crois qu’il est important aussi de s’assurer que l’enfant a envie d’en parler. Si ce n’est pas le cas, on peut par exemple proposer un livre qu’on laisse dans la bibliothèque et qu’elle pourra consulter quand elle veut.

Cela peut être très intrusif d’en parler spontanément car le sujet n’est pas évident et reste encore tabou. Mais c’est important que vos enfants sachent que vous êtes disponible pour en parler dès que c’est nécessaire. Vous pouvez lui dire tout simplement : « Si tu veux qu’on en parle, je suis là pour toi. »

Pour les adultes, l’important est de créer un contexte où soi-même, on n’est pas gêné de parler de ce sujet et où on est assez informé pour l’aborder. En effet, on se rend compte, en tant qu’adulte, à quel point on peut être ignorant sur cette question ! Donc vous pouvez commencer par vous renseigner vous-même, avant de répondre aux questions de vos enfants.

 Comment expliquer simplement ce que sont les règles ?

Je dirais par exemple que lorsque l’on est une personne adulte, avec des organes à l’intérieur de notre corps qui permettent de porter et de mettre au monde un enfant : un utérus, des ovaires, un vagin, une vulve (qui est la partie visible des organes génitaux), on a aussi quelque chose qui s’appelle les règles. Dans les ovaires, il existe des petites cellules, les ovocytes. Et quand on devient grand, un ovocyte va se préparer chaque mois pour être prête à la fécondation. Parce qu’à la base de la conception de chaque être humain, il y a une cellule mâle et une cellule femelle.

Alors la cellule femelle (l’ovocyte), se prépare, grandit et voyage dans l’utérus. Là, si elle ne rencontre pas de cellule mâle, elle va être évacuée, et avec elle, le nid qui avait été préparé pour elle : du sang s’écoule, ce sont les règles.

Contextualiser : quand il est difficile pour certaines personnes d’avoir des enfants, il arrive que cette rencontre ait lieu à l’extérieur du corps, c’est alors une procréation médicalement assistée : on provoque la rencontre en laboratoire puis on remet les cellules dans l’utérus. Il peut aussi y avoir des hommes qui ont des organes qui leur permettent d’avoir des règles ou des femmes qui n’en ont pas. 

Comment et pourquoi en parler aussi aux garçons ? 

Je conseillerais la même chose que pour les filles : partir de leurs questions et si ça ne vient pas, on peut demander, à partir de dix ou onze ans, s’ils en ont entendu parler et s’ils ont des questions.

Mais comme pour les filles, on s’assure d’abord du consentement des enfants : « Est-ce que tu es d’accord pour qu’on en parle ? » On peut aussi leur demander s’ils connaissent l’équivalent pour les garçons, à savoir la puberté, les changements hormonaux, les premières éjaculations.

Quand on donne les équivalents chez les filles et les garçons, on lutte contre la stigmatisation des règles. On comprend simplement qu’on est des êtres sexués et qu’un certain nombre de choses participent à la reproduction. Même si la puberté chez les garçons arrive plus tard que chez les filles, vers quinze ans.

Si je résume, je conseille donc de s’assurer de leur consentement, partir de leurs questions et resituer les règles dans les changements liés à la puberté en général.


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Élise Thiébaut est autrice et journaliste. Elle a publié plusieurs ouvrages sur les règles, à destination des adolescentes et des adultes. Elle intervient également en collège notamment en accompagnement de la pièce de théâtre « Tout sur le rouge ».


Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :

Pour les enfants

Les règles, quelle aventure !, Élise Thiébaut et Mirion Malle, éd. La ville brûle

Tout sur les règles, Anna Royon-Weigelt, éd. Flammarion jeunesse

Pour les adultes

Ceci est mon sang, Élise Thiébaut, éd. La Découverte

Le grand mystère des règles, Jack Parker, éd. Flammarion

Au bonheur des vulves, Camille Tallet et Élise Thiébaut, éd. Leduc

 

À découvrir

L’association la culotte rouge, dont le but est d’informer sur les règles

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