Parler d’écologie avec mon enfant

Face à des images d’ouragans, d’ours polaires perdus sur une banquise réduite ou de feux de forêts en Australie, les enfants peuvent se sentir tristes, angoissés ou en colère. Cette sidération face à l’état de la planète porte un nom : l’éco-anxiété. Si les adultes peuvent aussi la ressentir, il semblerait que les enfants, plus sensibles et empathiques, soient particulièrement bouleversés par la crise écologique. Faut-il par conséquent les protéger de ces informations anxiogènes ? Plutôt que d’éviter d’échanger avec eux sur ces sujets, la pédopsychiatre Dr Laelia Benoit propose d’en parler sereinement et de partager des activités écologiques en famille. Objectif : comprendre les enjeux écologiques sans en avoir peur !

Qu’est-ce que l’éco-anxiété ?

L’Association américaine de psychologie la définit comme une peur chronique du déclin environnemental. Ce qui est marquant, c’est que l’éco-anxiété n’est pas considérée comme une maladie : les psychologues pensent que c’est une réaction saine et normale quand on se préoccupe du changement climatique et des questions environnementales.

Les enfants peuvent-ils en souffrir ?

Nous avons moins d’études sur les enfants et adolescents que sur les adultes. Mais nous savons que les enfants peuvent être anxieux et, quand ils le sont, ils le sont encore plus que les adultes. Ils ont également davantage conscience que le changement climatique est causé par l’action humaine et se rendent compte des conséquences négatives sur leur génération.

Autre différence : les enfants ressentent davantage de colère et d’injustice. Ils se sentent laissés pour compte. Ils ont aussi le sentiment de n’être pas pris au sérieux et d’être disqualifiés quand ils proposent quelque chose pour réduire notre impact environnemental.

Certains enfants et adolescents disent aussi ressentir un décalage entre l’enseignement qu’ils reçoivent à l’école et les savoir-faire nécessaires pour le monde de demain. Par exemple, apprendre le latin et ne pas savoir gérer son empreinte carbone !

Les enfants et adolescents arrivent-ils à en parler, en famille et à l’école ?

Ce qui ressort des études sur les adolescents, basées sur des questionnaires, c’est qu’à la fois ils sont très inquiets et d’un autre côté ils ont beaucoup de mal à en parler en famille ou entre amis. C’est intéressant car on entend parfois que les jeunes se préoccupent uniquement des choses qui les concernent, leur smartphone, leurs vêtements, alors que cette étude montre qu’ils sont bien intéressés par les questions écologiques mais ont du mal à aborder le sujet.

Des psychologues ont également mené des études auprès d’enfants. Ce qui est marquant, c’est que les enfants ont une très forte empathie pour les questions environnementales. Ils sont connectés émotionnellement avec la destruction de la nature : un arbre qui meurt, cela les atteint fortement.

Plus les enfants sont jeunes, plus ils demandent également des solutions concrètes. Ils sont motivés pour faire ce qui est juste. Les adultes acceptent souvent de penser une chose et d’en faire une autre : par exemple, prendre l’avion pour partir en vacances tout en sachant que ce n’est pas très bon pour la planète. Cela s’appelle la dissonance cognitive. Les enfants, eux, vont avoir une réaction plus saine : si la planète va mal, on ne part pas en vacances en avion. En tant que parents, nous pouvons nous inspirer des réactions des enfants !

Comment aborder ces sujets avec les enfants ?

Les adultes ont parfois peur d’inquiéter les enfants et n’osent pas en parler. Je voudrais rassurer les adultes sur le fait que les enfants comprennent très bien les enjeux ! Parler du changement climatique, c’est important parce qu’ensemble, on se sent plus forts. Et les enfants sont les citoyens de demain !

Certaines questions peuvent être perturbantes (« pourquoi on n’a rien fait ? », par exemple) ou tristes, mais il ne faut pas avoir peur de traverser ces émotions : les enfants le font très bien. Ces questions sont difficiles mais elles permettent de préparer un avenir meilleur.

Des questions similaires se posent sur l’enseignement de faits historiques graves comme ceux de la Seconde Guerre mondiale. Depuis soixante-dix ans, les adultes qui enseignent ces faits savent que les enfants peuvent faire face à ces images s’il s’agit de construire un monde meilleur ensuite. La différence, avec l’écologie, c’est que ce monde meilleur se prépare par des actions du quotidien.

Quelles actions proposer en famille au quotidien ?

L’autre travail de l’adulte, en plus de parler des questions environnementales, peut être de proposer des activités concrètes, positives, partagées en famille. On peut décider ensemble du type d’activité : fabriquer un lombri-composteur, construire un potager, calculer combien on peut économiser en eau, réduire nos déchets sur un mois, etc. Pour les plus grands, on pourra calculer le chauffage économisé en isolant son logement.

Grâce à ces activités dont on voit concrètement les résultats, on évite le phénomène de paralysie et d’éco-anxiété. Un psychologue et député norvégien, Per Esten Stoknes, a montré qu’il était désastreux de sensibiliser à l’environnement en montrant des icebergs qui s’écroulent : c’est déprimant et nous n’avons aucune possibilité d’agir. Alors que si nous faisons ensemble des activités au quotidien, qui apportent des résultats dans une temporalité compréhensible pour les enfants (quelques semaines ou quelques mois), c’est très positif. Quand on calcule l’eau économisée en prenant des douches au lieu de bains, par exemple, c’est important de ne pas rester uniquement sur le chiffre : on peut se dire par exemple que le volume d’eau économisé en un mois, qui représente tant de litres, c’est comme si on remplissait toute une pièce ou tout notre appartement d’eau.

On peut aussi s’engager dans des actions associatives ou municipales locales. Par exemple, les parents peuvent proposer de planter des arbres dans la ville, avec l’aide de la mairie ou d’une association, ou encore demander une option végétarienne à l’école. Ce geste concret de planter des arbres va être très important pour les enfants : ils comprennent qu’ils peuvent agir. Les études montrent en effet que les enfants sollicitent peu les adultes décideurs (élus locaux, directeurs d’école) sur ce sujet. Les accompagner pour le faire, c’est aussi apprendre qu’on peut participer à des décisions au niveau local et s’impliquer dans notre commune ou dans une association. Les enfants sont sensibles, intéressés et moteurs dès qu’on leur propose des activités concrètes.

Enfin, lorsque les enfants proposent des changements en faveur de l’écologie, c’est important de se montrer intéressé, d’accueillir ces propositions avec considération et d’accepter de changer les habitudes de la famille. D’autant plus si ces activités vous permettent de passer du temps ensemble !

La meilleure façon qu’a l’adulte d’instaurer de bonnes pratiques dans le quotidien de l’enfant, c’est de les adopter lui-même. L’enfant va voir ça comme un geste normal et le fera de lui-même sans qu’on ait besoin de lui expliquer pourquoi.


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Laelia Benoit est médecin pédopsychiatre et chercheuse associée au Centre de Recherche en Epidémiologie et Santé des Populations de l’Inserm. En 2021, elle étudiera l’impact du changement climatique sur le bien-être et la santé mentale des enfants et des adolescents au Yale Child Study Center, en partenariat avec trois pays: les Etats-Unis, le Brésil, et la France.


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