Parler des actualités anxiogènes ou violentes avec son enfant, avec Hélène Romano

Face aux actualités violentes comme les attentats ou la guerre en Ukraine, on peut se sentir désemparé : faut-il en parler spontanément aux enfants ? Faut-il tenter de les protéger de ces images ? Comment répondre au mieux à leurs questions ? Faisons le point avec Hélène Romano, docteure en psychopathologie et spécialiste du traumatisme psychique chez l’enfant et l’adolescent.

Faut-il chercher à protéger nos enfants face aux violences du monde ?
Si protéger, cela veut dire tout fermer, tout barricader, ne pas avoir la télévision ou la radio et placer nos enfants dans une bulle, cela ne fonctionnera pas : nos enfants auront les informations autrement, à l’école notamment. Les couper du monde en espérant les protéger des informations sur les attentats ou sur la guerre en Ukraine, par exemple, n’aide pas nos enfants à grandir.

Protéger notre enfant, c’est l’éduquer aux images, c’est-à-dire lui permettre d’avoir des ressources pour donner du sens aux choses qu’il voit.

Quand ces images apparaissent à la télévision, il faut prendre le temps d’en parler avec notre enfant : lui demander ce qu’il a compris, lui montrer une carte pour expliquer où est l’Ukraine, par exemple, lui apprendre à avoir l’esprit critique par rapport aux médias. Il faut lui permettre d’acquérir ses propres outils de réflexion.

Que produisent ces images chez les enfants ?
Une image peut être traumatique pour un enfant. Pour rappel, le traumatisme c’est le fait d’être confronté à un événement brutal et inattendu, qui va être ressenti très violemment par l’enfant, comme s’il était confronté à la mort, et qui va lui faire perdre tous ses repères. Face à des moments très violents, comme les attentats, les enfants sont atteints à deux niveaux : ils ne sont plus sécurisés et ils sentent que les adultes eux-mêmes ne le sont plus.

Il faut être attentif à leur ressenti face aux images car les enfants n’ont pas forcément la même perception que nous : ce qui fait violence pour vous ne le sera pas forcément pour lui et inversement. Je reçois par exemple en consultation des enfants qui ont été traumatisés par les images de forêts qui brûlent alors que leurs parents ne l‘avaient pas du tout perçu.

Si on voit que notre enfant regarde ces images, si on le voit figé devant la télévision, il est donc important de mettre tout de suite des mots dessus, d’en parler.

Comment trouver les bons mots ?
On peut déjà être très factuel : « Le journaliste à droite de l’écran est à Paris, en France, et celui à gauche dans un autre pays qui s’appelle l’Ukraine ».

Ensuite insister sur ce que vous, vous avez compris : «C’est un peu compliqué mais je vais te dire ce que moi j’ai compris : le chef d’un pays, la Russie, considère qu’un autre pays, l’Ukraine, lui appartient. Mais les Ukrainiens ne sont pas d’accord donc il y a une guerre entre les deux.»

On peut aussi dire notre ressenti de la perception de notre enfant : « Quand je te vois figé devant la télévision ou que je vois que tu tapes tes jouets ou ton petit frère, je me dis que c’est peut-être que tu as vu des images compliquées ». L’enfant va peut-être nous dire qu’on se trompe ou nous rejeter, mais au moins il a entendu. Et il comprend qu’il peut en parler s’il en a besoin.

C’est important de dire « je ». Les images violentes créent une rupture, une perte de repères chez l’enfant. En tant qu’adulte, vous devez restaurer le lien de confiance et cela passe notamment par le « je » : « je pense », « j’ai l’impression », « je vois que tu », plutôt que « tu es agressif », « arrête de regarder ça », etc.

Comment faire quand on est soi-même choqué ou qu’on ne sait pas quoi répondre ?
Il existe des questions difficiles. « Est-ce qu’il va y avoir une bombe atomique chez nous ? », « Est-ce qu’il y aura un attentat dans notre quartier ? ». Les questions les plus importantes de l’enfant sont souvent celles face auxquelles on n’a pas de réponse.

On peut dire : « Je ne sais pas s’il y aura un jour une guerre chez nous, je n’espère pas, mais si cela arrive on fera ci ou ça ». C’est important que l’enfant comprenne qu’on ne va pas rester inactif.

Il ne vaut mieux pas présenter comme affirmatives des choses dont on ne peut être sûr, car cela sera très insécurisant pour l’enfant quand il se rendra compte que ce n’était pas vrai. Certains parents, après les attentats de Charlie Hebdo, avaient dit à leurs enfants : « Les terroristes sont morts, cela n’arrivera plus. » Et la première chose que les enfants leur ont dite après les attentats du 13 novembre, c’est : « Vous nous avez menti. »

Il vaut donc mieux dire : « J’espère que cela n’arrivera plus jamais » que « Cela n’arrivera plus » quand vous ne pouvez être sûr de la réponse.

Il n’y a jamais de question gratuite, qui soit posée par hasard par un enfant. Notre réflexe de parents, c’est de répondre, quitte à dire parfois n’importe quoi, surtout si cela tombe à un moment où on est fatigué, ou on n’a pas le temps. Essayez tout de même de prendre le temps, quitte à différer : « Ta question est importante mais là, j’ai un rendez-vous et je ne peux pas te répondre tout de suite. On en reparle tout à l’heure, promis. »

Face à une question difficile, vous pouvez aussi dire : « C’est une question importante, beaucoup d’enfants se posent la même question. Je vais essayer de te répondre du mieux possible. » Si vous ne savez pas par où commencer, vous pouvez d’abord tenter de comprendre où l’enfant en est : « Qu’est-ce que toi tu as compris ? Où tu as entendu cela ? »

Face à de tels sujets, on peut s’autoriser à ne pas être parfait : on donne la meilleure réponse au moment où on la donne, et si on se rend compte plus tard que ce n’était pas la meilleure, on peut y revenir.

Avec les guerres, la pandémie, la crise économique, on a fabriqué un monde très anxiogène pour les enfants. Face à cela, il faut parler, parler, parler. Cela permet de se poser, se rassurer, se consol

Il existe des questions difficiles. « Est-ce qu’il va y avoir une bombe atomique chez nous ? », « Est-ce qu’il y aura un attentat dans notre quartier ? ». Les questions les plus importantes de l’enfant sont souvent celles face auxquelles on n’a pas de réponse.

On peut dire : « Je ne sais pas s’il y aura un jour une guerre chez nous, je n’espère pas, mais si cela arrive on fera ci ou ça ». C’est important que l’enfant comprenne qu’on ne va pas rester inactif.

Il ne vaut mieux pas présenter comme affirmatives des choses dont on ne peut être sûr, car cela sera très insécurisant pour l’enfant quand il se rendra compte que ce n’était pas vrai. Certains parents, après les attentats de Charlie Hebdo, avaient dit à leurs enfants : « Les terroristes sont morts, cela n’arrivera plus. » Et la première chose que les enfants leur ont dite après les attentats du 13 novembre, c’est : « Vous nous avez menti. »

Il vaut donc mieux dire : « J’espère que cela n’arrivera plus jamais » que « Cela n’arrivera plus » quand vous ne pouvez être sûr de la réponse.

Il n’y a jamais de question gratuite, qui soit posée par hasard par un enfant. Notre réflexe de parents, c’est de répondre, quitte à dire parfois n’importe quoi, surtout si cela tombe à un moment où on est fatigué, ou on n’a pas le temps. Essayez tout de même de prendre le temps, quitte à différer : « Ta question est importante mais là, j’ai un rendez-vous et je ne peux pas te répondre tout de suite. On en reparle tout à l’heure, promis. »

Face à une question difficile, vous pouvez aussi dire : « C’est une question importante, beaucoup d’enfants se posent la même question. Je vais essayer de te répondre du mieux possible. » Si vous ne savez pas par où commencer, vous pouvez d’abord tenter de comprendre où l’enfant en est : « Qu’est-ce que toi tu as compris ? Où tu as entendu cela ? »

Face à de tels sujets, on peut s’autoriser à ne pas être parfait : on donne la meilleure réponse au moment où on la donne, et si on se rend compte plus tard que ce n’était pas la meilleure, on peut y revenir.

Avec les guerres, la pandémie, la crise économique, on a fabriqué un monde très anxiogène pour les enfants. Face à cela, il faut parler, parler, parler. Cela permet de se poser, se rassurer, se consoler.

 


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Hélène Romano est docteure en psychopathologie. Ses recherches portent sur le traumatisme psychique, en particulier chez l’enfant et l’adolescent.


 

Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :

À lire

Les enfants et la guerre, d’Hélène Romano, éditions Odile Jacob

Après l’orage, d’Hélène Romano et Adolie Day, éditions Courtes et Longues

Les bulles de vie, d’Hélène Romano et Germain Barthélémy, éditions Courtes et Longues

 

À découvrir

La page sur le site d’Eduscol sur « Savoir accueillir la parole des élèves après un attentat »

La vidéo de Serge Tisseron, « Faut-il parler des attentats aux enfants ? »

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