Gérer le rapport aux écrans de nos enfants

Télévisions, tablettes, téléphones, jeux vidéo : aujourd’hui, les écrans sont présents dans toutes les maisons. Les enfants s’en emparent et chaque parent peut légitimement s’en inquiéter. Comment gérer le rapport de vos enfants aux écrans ? Quelles limites poser ? Et que faire si votre enfant ne les respecte pas ? Les écrans sont-ils les ennemis des parents ? On fait le point avec Michael Stora, psychologue et psychanalyste.

Comment gérer de manière équilibrée le rapport aux écrans de ses enfants ?

En tant que parent, il est avant tout important que l’on s’interroge sur son propre rapport aux écrans : contrairement à ce qu’on peut imaginer, les 35/49 ans sont les plus connectés ! Si le parent, le portable à la main, demande à son enfant d’éteindre le sien, on est face à une demande paradoxale.

Ensuite, je crois qu’il faut faire des écrans des alliés dans la dynamique familiale, et non des objets de transgression ou de convoitise. Les parents peuvent regarder ce que font les enfants sur les écrans, pas pour les surveiller mais pour découvrir leur créativité : observer ce qu’ils créent sur YouTube ou Tik Tok, jouer à des jeux vidéo avec eux, etc.

Les enfants ont le droit d’avoir une bulle, que les parents doivent respecter, mais les écrans peuvent aussi générer des temps de partage. Pour créer un moment de partage, il faut regarder les écrans ensemble, avoir une attention conjointe vers un écran. Le drame serait de remarquer qu’en famille, chacun est seul devant son écran.

Quelles sont les limites à poser ?

Il me semble qu’il faut cesser la « guidance » qui envoie trop d’injonctions culpabilisantes aux parents, et paradoxalement, fait d’eux des enfants. La campagne « 3-6-9-12 », recommandant l’interdiction de télévision avant trois ans, de console personnelle avant six ans, d’Internet avant neuf ans et de réseaux sociaux avant douze ans, n’est basée sur aucune étude sérieuse et est une manière de masquer le vrai problème.

La question n’est pas tant l’écran mais plutôt le contexte dans lequel on le regarde. Ce qui va freiner l’enfant dans son développement, c’est le parent en souffrance qui ne va pas trouver de moment à partager avec lui et va le laisser seul devant l’écran. Ce qui est violent, ce n’est pas tant l’écran, c’est que la télévision ou la tablette ne vous répond pas. La tablette tactile préférée du bébé, c’est ses parents !

Que peut faire un parent si son enfant passe toute sa journée seul devant un écran ?

Le phénomène d’addiction aux écrans est apparu il y a une dizaine d’années avec le haut débit. Cela commence par le refus de partager le repas du soir, puis une rupture progressive des liens sociaux, jusqu’à une totale déscolarisation. Mais cette addiction aux écrans est souvent révélatrice d’autres problématiques, comme la phobie sociale ou le harcèlement scolaire. Souvent, l’écran n’est que la partie visible du problème et cache des problématiques plus profondes. Il faut donc travailler sur ces problématiques.

En cas d’addiction, il faut faire appel à un professionnel tiers, psychologue ou addictologue, qui ne va pas stigmatiser le jeu vidéo car il est seulement la partie visible du problème. Mais chez les 7/12 ans, utiliser le terme d’addiction est probablement un peu excessif. Des pratiques inquiétantes peuvent être repérées chez certains enfants qui vont aller constamment au-delà des limites que les parents vont poser, qui vont aller au clash en permanence. Il faudra alors que les parents gardent leur calme et soient fermes. Mais il n’y a pas de réelle addiction à cet âge-là.

Comment faire pour que son enfant surfe en toute sécurité sur internet ?

Lorsque notre enfant sort pour la première fois tout seul pour acheter le pain, il est confronté à l’inconnu et le discours des parents va avoir un impact pour faire face à cet inconnu. Par exemple, le parent transmet des vigilances de base, comme ne pas accepter de bonbons d’un inconnu, que l’enfant intègre. C’est pareil sur Internet : on va naviguer la première fois avec lui, lui montrer ce qui est bien et ce qui n’est pas bien.

Pour interdire l’accès aux contenus inadaptés, violents ou pornographiques, il y a aussi des logiciels de contrôle parental. Ces logiciels ne doivent pas remplacer les parents mais devenir des alliés, et venir en complément de l’apprentissage donné par les parents.

Il faut se prémunir de l’hyper-vigilance ou de l’inquiétude. Avant l’adolescence, l’enfant est dans une phase de grande pudeur qui fait qu’il ne veut pas voir de contenus abordant la sexualité. Il ne va donc pas aller chercher ces contenus. On peut voir des enfants de dix ans qui vont chercher ces contenus, mais il faudra alors trouver des explications dans l’environnement familial. Internet n’est qu’un révélateur de ce qu’il se passe déjà dans la famille.

Comment jouer en famille sur les écrans ?

Quand mes enfants étaient petits, je les prenais sur les genoux et je leur apprenais à se servir de l’ordinateur. Avec ma fille, on passait beaucoup de temps sur le site poissonrouge.com, créé par des parents, qui est très poétique et contient beaucoup de jeux et d’activités. Cela peut devenir un jeu entre parents et enfants, de prendre le temps de découvrir des jeux adaptés !

Il ne faut pas opposer jeux de société et jeux d’écrans, c’est tout à fait possible de jouer à plusieurs avec les écrans. En Angleterre, où les parents sont nettement plus décomplexés face aux écrans, sont organisées des soirées où on joue en famille à « Let’s dance », ou alors à un jeu vidéo où l’un tient la manette et toute la famille le conseille. Il faut retrouver un plaisir commun à jouer !

 


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Michael Stora est psychologue et psychanalyste, spécialisé dans l’accompagnement des personnes ayant des addictions aux écrans. Il a cofondé l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines (OMNSH) et publié plusieurs livres sur le sujet des écrans, notamment « Les écrans, ça rend accro… »

 


Les ressources pour vous aider à gérer le rapport aux écrans de votre enfant :

À lire : 

  • Le guide du CSA : “Utiliser les écrans, ça s’apprend”.
  • “Les écrans, ça rend accro… » de Michael Stora, éditions Hachette.
  • “Comment utiliser les écrans en famille: Petit guide à l’usage des parents 3.0 », de Héléna Pasquinelli, éditions Odile Jacob.

À jouer :