Votre enfant se pose (et vous pose!) des questions sur le corps, le couple ou la manière dont on fait les bébés ? C’est tout à fait normal, à cet âge ils sont curieux de tout ! Mais trouver les bons mots pour répondre à ces interrogations n’est pas toujours facile…et on pourrait parfois avoir envie de se dérober ! Pourtant, « il faut oser », affirme Maëlle Challan Belval. Conseillère conjugale et formatrice à Comitys, elle intervient depuis 15 ans auprès d’enfants, d’adolescents, de parents et de professionnels pour parler d’éducation affective et sexuelle.
Qu’appelle-t-on éducation affective et sexuelle ?
L’éducation affective et sexuelle fait partie du rôle éducatif des parents, qui vise à développer chez leurs enfants des capacités à faire des choix de vie relationnels, amoureux et affectifs. Elle ne se réduit pas à une information seulement axée sur les explications biologiques et la prévention, qui serait une forme obsolète et trop partielle de l’éducation affective et sexuelle.
L’éducation affective et sexuelle est beaucoup plus large. Elle doit selon moi s’appuyer sur trois piliers.
Le premier, c’est l’information. Il faut permettre à un enfant de nommer, d’avoir du vocabulaire et de savoir de quoi il parle. Les enfants ont besoin de mots précis et de définitions adaptées à leur âge. Si on ne nomme pas, si on n’explique pas, l’enfant sent qu’il y a un problème avec les questions liées au corps et à la sexualité. Il peut alors trouver le sujet inquiétant ou penser qu’il évoque quelque chose de mal.
Le second, c’est la réflexion. Pour un grand nombre de questions que les enfants se posent, la réponse n’est pas unique et évidente. « Ça fait quoi d’être mère ? » « Est-ce que tu aurais préféré que je sois un garçon ? » « Pourquoi il y a des inégalités entre les filles et les garçons ? » Sur toutes ces questions, les enfants ont besoin qu’on les aide à réfléchir. Aucun sujet n’est tabou !
Le troisième pilier, c’est la prévention. Il s’agit d’aider votre enfant à discerner où peut être le danger, lui faire connaître la loi et le rendre responsable.
À partir de quel âge peut-on développer l’éducation affective et sexuelle de nos enfants ?
Elle se fait dès la naissance ! On ne va évidemment pas « parler de sexe » à un jeune enfant. Mais quand vous prenez votre bébé dans les bras, quand vous le changez et que vous lui dites : « Excuse-moi, j’ai les mains froides, ce n’est pas très agréable, mais tu te sentiras mieux après », c’est déjà de l’éducation affective et sexuelle. La manière dont on nomme son corps, dont on traite son corps, dont on apprend à un enfant la pudeur, ce sont les premières bases de l’éducation affective et sexuelle.
Ensuite, entre 6 et 12 ans, les enfants sont très curieux. C’est une période de grands questionnements sur les animaux ou l’histoire, mais aussi sur le corps, l’amour, la sexualité ou la vie de famille. On peut parfois entendre qu’un enfant curieux sur le corps ou la sexualité, ce n’est pas bien, alors qu’un enfant curieux sur les dinosaures ou Napoléon, c’est bien. Ce n’est pas vrai : c’est le même mouvement de curiosité, et cette curiosité est saine.
Il faut profiter de cette curiosité-là, qui est un élan de vie. Moins votre enfant aura d’information, plus il sera dans les tests ou les passages à l’acte. Ne pas savoir inquiète, alors que savoir apaise votre enfant. C’est un âge privilégié pour explorer intellectuellement ces sujets et poser les premiers repères de prévention. Par exemple, un enfant peut apprendre ce que c’est qu’un soutien-gorge, ce que sont les règles. Il faut garder à l’esprit que les jeunes enfants n’ont pas honte de ces sujets. C’est notre gêne qui les rend gênés.
Un des grands pièges pour les parents est de se mettre la pression sur des sortes de « séances d’éducation affective et sexuelle », alors qu’elle fait partie des échanges quotidiens. Elle se fait au fil de la vie, en fonction des interrogations des enfants, chacun à son rythme.
Des parents me demandent parfois : « L’homosexualité, on en parle à quel âge ? ». Ça va dépendre de chaque enfant et surtout de chaque histoire de vie. Si l’enfant naît dans une famille homoparentale, il comprendra tout de suite. S’il a un oncle homosexuel, il l’apprendra vers 3 ou 4 ans quand il interrogera ses proches. S’il n’y a personne dans son entourage, les parents peuvent amener le sujet quand ils sentent que c’est le bon moment.
Sur certains sujets, vous pouvez être à l’initiative et attirer votre enfant sur des thèmes nécessaires. C’est le cas de la pédocriminalité par exemple : l’enfant ne va pas amener le sujet lui-même, et c’est pourtant important de l’aider à identifier le danger. Vous pouvez aussi saisir les opportunités de la vie quotidienne pour amener un sujet. S’il y a une grossesse dans la famille, vous pouvez demander : « Et au fait, il est arrivé comment le bébé dans le ventre ? » ou alors « Ton hamster, c’est un mâle ou une femelle ? ».
Que faire si mon enfant est confronté à des images pornographiques ?
Parfois, le réflexe des parents, parce qu’ils sont aussi choqués que leurs enfants, c’est de punir. Très souvent, les parents confisquent l’ordinateur ou la tablette sur lequel l’enfant a vu ces images. Le risque, c’est que votre enfant ne dise rien quand cela arrive, par peur d’être privé d’ordinateur. Sans dialogue, l’enfant est seulement puni et pas éduqué.
Il faut nommer les choses : « ce que tu as vu, ce sont des images pornographiques et il est interdit aux adultes de laisser ces images accessibles aux enfants. Je suis désolé que tu aies vu ça. » Votre enfant va alors demander pourquoi elles sont réservées aux adultes, et vous pourrez expliquer que pour les enfants, souvent, ces images semblent dégoûtantes, incompréhensibles ou violentes. Vous pouvez aussi expliquer que la sexualité, dans la vraie vie, ne ressemble pas à ces films, qui sont « truqués ».
Vous pouvez ensuite déployer le pilier prévention : comment faire pour que votre enfant ne puisse plus tomber sur ces images ? On peut activer un filtre de contrôle parental, par exemple. Votre jeune enfant n’est pas d’abord coupable, même s’il a lui-même cherché les images : il est victime.
Quelle est la place des parents, par rapport aux professionnels, sur les questions d’éducation affectives et sexuelles ?
La place des parents est la première, qu’on le veuille ou non. Qu’on se sente capable ou non. Les enfants attendent des parents des réponses. J’encourage vraiment les parents à oser, à faire ce qu’ils peuvent, et ce n’est pas grave s’ils ne sont pas des experts du sujet. Comme pour tous les aspects de l’éducation, commencez par vous interroger : « Qu’est-ce que j’ai envie de transmettre ? Qu’est-ce que la vie m’a appris sur le corps ou l’amour et que je trouve important ? »
Maëlle Challan Belval est formatrice et conseillère conjugale et familiale. Elle a fondé l’organisme de formation Comitys, spécialisé dans l’éducation affective et sexuelle et le développement des compétences psycho-sociales.
Les ressources pour oser parler de vie affective et sexuelle avec son enfant :
À lire :
- “Osez en parler ! Savoir parler d’amour et de sexualité avec ses enfants”, Maëlle Challan Belval, Interéditions
- “Ma sexualité (de 6 à 9 ans)” Jocelyne Robert, Les éditions de l’homme
- “Questions d’amour (8-11 ans)”, Virginie Dumont, éditions Nathan
À découvrir :
- Une vidéo qui explique la notion de consentement aux enfants
- L’amour à la plage, un webdocumentaire sur l’amour et la sexualité vus par les moins de 14 ans
- Un site sur la sexualité des jeunes avec des informations fiables sur le corps, les relations amoureuses, le plaisir, la contraception, les infections sexuellement transmissibles…