Parler des addictions avec nos enfants, avec Philippe-Jean Parquet

Écrans, jeux, sucres, sodas, alcool voire, drogues : on propose aux enfants de nombreux produits qui peuvent induire de véritables addictions, appelées aussi conduites addictives.Mais que sont les addictions et les conduites addictives ? Comment les repérer ? Comment protéger nos enfants dans une démarche préventive ? Parlons-en avec le professeur Philippe-Jean Parquet, professeur de psychiatrie de l’enfant et addictologue.

Qu’est-ce qu’une addiction ?

Au départ, c’étaient uniquement des conduites de consommation de substances psychoactives comme le tabac, l’alcool, les drogues qui agissent sur le cerveau, poussent le consommateur à répéter ses consommations et à terme à ne plus pouvoir s’arrêter de consommer.

Il existe trois types de consommation : l’usage sans dommage, quand on consomme un verre de vin de temps en temps par exemple. L’usage nocif, quand une consommation répétée induit des dommages pour la santé. Et le comportement de dépendance caractérisé par des consommations importantes et répétées, une impossibilité de s’arrêter même si on perçoit les dommages induits, une mise à l’écart des comportements affectifs, sociaux et citoyens.

Mais on s’est aperçu qu’on retrouvait des comportements identiques en relation avec les réseaux sociaux, les jeux vidéo, l’alimentation, les jeux d’argent, etc. On appelle cela des addictions sans drogues ou comportementales. La personne passe la plus grande partie de son temps dans des activités répétitives, met à distance ses centres d’intérêts antérieurs et se coupe du monde extérieur.

Les enfants sont-ils concernés ?

Chez les enfants les plus jeunes, on retrouve même à des âges précoces des addictions comportementales ; l’addiction aux écrans, aux jeux vidéo sont les plus caractéristiques. Le temps passé sur Internet ou sur les jeux vidéo est de plus en plus long chez les enfants et peut devenir rapidement intense car beaucoup de jeux sont construits de manière à répéter les comportements, via des étoiles, des points, des progressions de niveaux. Ils sont faits pour provoquer la répétition du jeu et augmenter le temps passé devant les écrans. Ces addictions comportementales peuvent commencer dès l’âge de sept ou huit ans.

Chez les plus âgés et maintenant à partir de 13-14 ans, les premières conduites de consommation d’alcool, de tabac, et de drogues sont identifiées. Ces premières expériences ne mènent pas obligatoirement à la dépendance, mais elles représentent des conduites potentiellement à risque. Elles doivent mobiliser toute notre attention.

Comment peuvent réagir les parents ?

Prenons l’exemple des jeux vidéo. D’abord, il faut connaître les jeux auxquels jouent son enfant, afin de savoir s’ils sont addictogènes ou non. Certains jeux sont juste ludiques et on peut facilement arrêter d’y jouer. Ceux-là ne sont pas dangereux. D’autres sont construits pour provoquer une utilisation répétée ou comportent des contenus contestables.

Pour savoir si un jeu est addictogène, les parents peuvent se renseigner sur le contenu des jeux sur des sites dédiés. Ils peuvent aussi rester aux côtés de l’enfant quand il joue.

Ensuite, il faut faire en sorte que ce soient les parents qui régulent le temps d’utilisation du jeu. Je ne donne pas de normes concernant ce temps : c’est aux parents d’évaluer eux-mêmes à partir de quel moment ils trouvent que c’est trop.

Enfin, comme pour le cas des substances, il faut informer l’enfant sur le fait que cela risque de lui apporter des ennuis et de le couper du monde réel. Lui faire remarquer qu’il ne va plus au sport, qu’il ne voit plus ses copains, qu’il passe plus de temps sur l’ordinateur qu’en famille, etc. On peut ensuite lui dire ce qu’on en pense : « Je remarque que tu ne sors plus. Je pense que ce n’est pas bon pour toi. »

Et ensuite lui demander ce qu’il en pense : « Tu ne trouves pas ça bizarre, que tu n’ailles plus voir tes amis ? »

On peut aussi partir de ses attentes : « Qu’est-ce que tu cherches dans ce jeu, qu’est-ce qui t’intéresse ? Est-ce qu’il y a d’autres choses qui t’intéressent ? Est-ce que tu crois que cela t’apporte des ennuis ? »

Il y a trois signaux d’alerte pour les parents : de plus en plus de temps passé devant les écrans, une mise à distance des liens familiaux et amicaux et la disparition des centres d’intérêt antérieurs.

 Faut-il faire de la prévention ?

Il faut que l’on soit aussi vigilant que sur la prévention routière, quand on explique à un enfant qu’on ne traverse pas au bonhomme rouge, par exemple. On doit rendre l’enfant capable de faire des choix positifs sur sa vie et de mettre à distance ce qui peut lui créer des dommages.

La prévention est importante car elle évite l’usage exclusif. Aux parents de proposer une diversité d’activités, de rendre accessibles d’autres propositions, d’autres modèles que l’hyperconsommation d’un jeu.

Les parents sont aussi des modèles comportementaux, ils doivent donc veiller à ne pas avoir eux-mêmes des comportements d’addiction que pourraient imiter les enfants.

Faut-il également parler aux enfants des risques d’addictions aux substances psychoactives avant même qu’ils y soient confrontés ?

Oui, on peut tout à faire dire à un enfant lorsqu’il s’approche de l’adolescence : un jour, on va sans doute te proposer telle chose. Cela va produire tel effet dans ton corps. Et moi, je ne suis pas sûr que ce soit bon pour toi. Il existe d’autres choses dans la vie qui t’apporteront du bonheur.

Quel que soit l’objet possible d’addiction, les parents doivent avoir deux moteurs : prévenir la dangerosité en informant l’enfant des risques et provoquer la diversité des activités pour éviter toute exclusivité.

 


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Philippe-Jean Parquet est professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, addictologue et préventologue.


Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :

À lire

La journée sans écran ! Emmanuelle Kecir-Lepetit, éditions Fleurus

Ma famille (dé)connectée, Amélia Javaux, Mijade

Célestin et la potion maléfique, Bénédicte Boullet, éditions Henry

 

A découvrir

Une vidéo de l’Inserm pour expliquer les addictions aux enfants

Le site du gouvernement contre les conduites addictives