Table ronde : lutter contre le harcèlement et les violences scolaires

Le vendredi 12 mars 2023 s’est tenue une table ronde organisée par le sénateur Xavier Lacovelli sur le thème « Lutter contre le harcèlement et les violences scolaires ».

Différents intervenants ont été invités pour s’exprimer : Catherine Jacquet, Directrice du programme Les petits citoyens de la Fédération Léo Lagrange, Nora Tirane Fraisse, Fondatrice de l’Association Marion La main tendue, Murielle Cortot, Directrice de l’École des Parents et des éducateurs d’Ile de France – EPE IDF, Cécile Lebrun, Conseillère technique du recteur de l’Académie de Paris, Frédéric Fauchère, Directeur de la division B2B Mobilité de Samsung, Thomas Rhomer, Directeur-fondateur de l’Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique, Laure Boutron-Marmion, Avocate pénaliste au Barreau de Paris, Yann Mikaeloff, Pédiatre et professeur à l’Université Paris-Saclay.

Le sénateur Xavier Lacovelli a rappelé en début de séance que le harcèlement scolaire n’est pas un fait divers mais un phénomène de société qui touche plus de 10% des enfants scolarisés. Les intervenants ont pu présenter les actions qu’ils mettent en place pour lutter contre le harcèlement, témoigner des problématiques auxquelles ils sont confrontés et donner leur avis sur les dispositifs existants et à mettre en place.

Un besoin de formation :

« 52% des enfants ne parlent pas des violences qu’ils ont subies par honte, par culpabilité et par peur que ça s’aggrave. »

Catherine Jacquet rappelle que les situations de harcèlement peuvent souvent être difficiles à repérer par les adultes, surtout quand les enfants ont peur de parler. Elle soutient qu’il est essentiel que tous les adultes accompagnants sur les temps scolaires et extrascolaires (professeurs, CPE, animateurs, entraîneurs sportifs…) soient formés à repérer les signaux faibles et à savoir écouter les victimes ou témoins de ces violences.

Pour Cécile Lebrun, l’importance de la formation « d’élèves ambassadeurs » dans le cadre du programme pHARe s’affirme également comme une solution de plus pour aider les adultes à prendre connaissance des signaux faibles et permettre aux victimes d’avoir des interlocuteurs du même âge pour libérer la parole.

Pour Frédéric Fauchère, « Il faut aussi accompagner les enfants dans leurs premiers pas dans l’espace numérique qui peut être dangereux. » Pour ça, il est nécessaire d’adapter des actions de sensibilisation et de formation auprès des adultes encadrants. Pour Thomas Rhomer expert de l’éducation numérique, il est important de ne pas stigmatiser les jeunes dans leurs pratiques en étant moralisateurs : « Il faut trouver de nouvelles approches pour mieux expliquer ce qu’il faut faire afin que les adultes se remettent davantage en question par rapport à leurs propres pratiques. »

Maitre Laure Boutron-Marmion, quant à elle, rappelle que le besoin de formation concerne aussi la gendarmerie et la police afin que le harcèlement soit considéré et traité comme une véritable cause lorsqu’un suicide a lieu par exemple. Pour elle, l’évolution de la législation est impérative et doit apporter une solution dans la lutte contre le harcèlement : « C’est un symbole qui aide à la responsabilisation de tous les acteurs. » Elle rappelle l’importance d’une justice restaurative plutôt que punitive.

Selon le pédiatre Yann Mikaeloff, la formation ne doit pas se limiter à la sensibilisation au harcèlement. Des formations autour de la santé mentale doivent aussi être mises en place pour permettre aux adultes encadrants de comprendre dans quel état psychique et physique ils sont, car « Si eux-mêmes ne se sentent pas bien psychologiquement ou physiquement, ils seront moins à même de repérer les situations de harcèlement ou les signaux faibles, surtout quand les victimes ne parlent pas ».

 

Créer des circuits de communication entre les différents adultes intervenants dans la vie des enfants :

« 50% des enfants se plaignent d’avoir subi des violences avant et après l’école. »

Nora Tirane Fraisse souligne que les situations de harcèlement ne s’arrêtent pas aux portes de l’école, elles se poursuivent dans tous les lieux de vie et sur les réseaux sociaux. Pour repérer et apporter des solutions efficaces, il faudrait plus de partage d’informations entre les différents adultes intervenants dans la vie des enfants. Il est essentiel de développer une instance gouvernementale afin que les acteurs puissent mieux travailler ensemble.

De plus, pour que le travail de sensibilisation et de lutte contre le harcèlement soit efficace, il faut aussi renforcer le lien avec les familles qui se retrouvent souvent sans solutions. Murielle Cortot rappelle que les parents qui appellent les lignes d’urgence comme le 30 20 sont très souvent perdus et démunis, ils ne savent pas comment agir alors qu’ils sont en première ligne. Elle rappelle également qu’il faut développer des outils adaptés aux nouveaux usages des jeunes comme les chats ou les forums, plutôt que les lignes d’écoute, principalement utilisées par les adultes.

 

Agir ensemble et se donner les moyens d’agir :

Le sénateur Xavier Lacovelli observe que des moyens énormes ont été déployés contre le harcèlement mais que le fonctionnement en silo des projets menés affecte leur efficacité. Cela manque de liens entre les structures engagées contre ce fléau. Il faut réfléchir à la création d’un observatoire autour du harcèlement pour apporter des réponses communes concrètes et efficaces.

Il y a de nombreuses lignes d’écoute qui ont été développées pour les personnes qui ont été témoins ou victimes de harcèlement. Cependant, celles-ci saturent faute de moyens, et sont beaucoup utilisées par les adultes. Cette difficulté à répondre à la hausse des sollicitations sur les questions de harcèlement est présente dans de nombreuses structures en charge du harcèlement en France.

 

Le mot de la fin :

Au terme de cette première table ronde, le sénateur Xavier Lacovelli a conclu que pour aborder et endiguer ce fléau qu’est le harcèlement, un changement structurel est nécessaire. Il faut fédérer nos ressources et nos compétences pour améliorer l’efficacité de nos actions. Il faut également continuer le travail de sensibilisation et de formation à tous les niveaux (scolaire, extrascolaire, judiciaire…) avec une attention particulière envers les parents qui sont trop souvent démunis face à cette forme de violence. Le programme pHARe apparait comme une solution majeure dans la lutte contre le harcèlement, cependant il est important d’instaurer une évaluation pour s’assurer de son efficacité. Ce programme du Ministère de l’Éducation nationale qui se concentre sur l’école, doit être porté par d’autres acteurs, notamment les acteurs de l’éducation populaire, qui œuvrent également dans la lutte contre le harcèlement.