Votre enfant abandonne à la moindre difficulté, il répète souvent qu’il ne se sent pas capable ou qu’il ne va pas réussir ? Il est très timide, il a peu d’amis ou des relations qui le dévalorisent ? À l’inverse, il ose, entreprend, bouscule les règles, négocie sans arrêt, exprime ses émotions, ses idées et ses opinions ? Et, si c’était d’abord une question d’estime de soi ? Marie-Pierre Lescure, psychopédagogue et fondatrice de l’association Educ’At nous apporte son éclairage afin de comprendre quels sont les ressorts essentiels de l’estime de soi et le rôle que celle-ci joue dans nos relations aux autres et au monde.
Comment définiriez-vous l’estime de soi ?
L’estime de soi correspond à notre capacité à trouver des solutions adaptées face à une difficulté. Celle-ci nous permet de faire appel à des ressources internes, comme à sa créativité par exemple ou d’oser demander de l’aide sans avoir honte parce qu’on estime avoir atteint ses limites. Elle permet d’avoir la certitude que dans toutes les circonstances, on est capable de trouver une réponse adaptée. C’est fondamental car cela permet de se mettre en mouvement, d’être capable d’avancer, de construire et de réinventer le cadre dans lequel on évolue. Si cette estime de soi n’a pas été suffisamment nourrie, le risque est grand face à un obstacle d’adopter une attitude de victimisation, d’impuissance ou de culpabilisation, qui peut se traduire par des actes de violence. Si je me sens victime ou impuissant, je ne mobilise pas mes ressources pour m’en sortir. Si je culpabilise, je n’ose pas demander de l’aide. L’estime de soi est en relation étroite avec la capacité à être connecté à soi-même pour avoir conscience de son potentiel, oser sortir du cadre et créer son propre modèle.
Qu’entendez-vous par « être connecté à soi-même » ?
Les émotions de nos enfants et la façon dont on les accueille sont fondamentales. Il est nécessaire que l’enfant se sente accepté tel qu’il est et puisse exprimer, à travers ses émotions, ses besoins et sa façon d’être au monde. Si l’enfant est incité à ne pas exprimer celles-ci, on l’amène à se couper de lui-même. Par exemple si on interdit à l’enfant d’exprimer sa colère en famille, celui-ci va la refouler. Il ne cherchera pas à en comprendre les raisons ni à trouver une solution. Il devient plus vulnérable et s’expose à des situations de harcèlement. Il ne sait en effet plus par exemple opposer sa colère à quelqu’un qui lui ferait du mal. Si l’enfant a une mauvaise image de lui parce qu’on le dévalorise à la maison et qu’on rejette ses émotions, il peut être en outre attiré par des personnes qui le confortent dans l’idée qu’il ne mérite pas beaucoup d’attention.
Comment faire pour que l’enfant développe une bonne estime de soi ?
Il n’y a pas de recette miracle car tout est en lien avec l’éducation qu’on donne ou sa propre estime de soi. Si on a soi-même une estime de soi fragile alors on peut transmettre cette vulnérabilité à son enfant mais, à l’inverse, si on est un adulte avec beaucoup d’aisance on peut ne pas laisser de place suffisante à celui-ci. L’estime de soi c’est quelque chose que l’on va faire grandir au quotidien par de vrais moments de présence ou de projets partagés, juste en demandant à son enfant comment il va, comment il se sent ou en se racontant mutuellement sa journée. L’enfant a également besoin qu’on lui montre qu’on s’intéresse à lui au-delà de sa scolarité, de son travail ou de ses résultats. Quels sont ses rêves, comment voit-il le monde, que pense-t-il de tel ou tel événement ? De la sorte, on lui montre que son opinion a de la valeur et est recevable.
En effet il est essentiel et il doit être de qualité. Imaginons que l’enfant ait besoin d’exprimer quelque chose mais que nous ne répondions que par automatisme parce qu’on a la tête sur son ordinateur, sur les réseaux sociaux, ou sur ses SMS, l’enfant en déduira qu’il n’est pas très intéressant et se sentira abandonné. C’est un point sur lequel j’attire la vigilance des parents. Nous avons trop tendance à nous laisser happer. Une astuce peut consister à créer par exemple des rendez-vous en famille avec un rituel et des règles simples. Pendant ces temps définis, chacun peut alors prendre la parole à tour de rôle s’il le souhaite et exprimer ce qu’il ressent, ce qu’il a aimé ou moins aimé. On reconnaît ainsi à chacun sa valeur, sa place et sa capacité à être dans le groupe. Dans une société où on est en permanence connecté vers l’extérieur, il est essentiel de privilégier ces temps d’échange et de connexion à soi-même. L’enjeu est donc pour les adultes de mettre en place des temps rassurants où le propos de l’enfant n’est pas jugé mais profondément écouté.
Marie-Pierre Lescure, psychopédagogue, fondatrice de l’association Educ’At et auteure de Pour une éducation apaisée, aux éditions Chronique Sociale.
Les ressources pour vous accompagner et partager du temps en famille :
A lire :
- Prendre le temps de discuter en famille de l’actualité et du monde : L’Hebdo des Petits Citoyens
- « Pour une éducation apaisée, même plus peur ! » – Marie-Pierre Lescure, édition Chronique Sociale.
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