Selon une étude menée par l’Observatoire international de la violence à l’école pour l’Unicef, un enfant sur dix est harcelé à l’école. Comment être vigilants sans angoisser pour autant son enfant ? Comment éviter à nos enfants une telle souffrance ? Quels sont les bons réflexes pour faire face à ce type de situation intolérable ? Emmanuelle Piquet, psychopraticienne et fondatrice de Chagrin scolaire nous apporte son éclairage.
Qu’appelle-t-on une situation de harcèlement ?
Le point clé, c’est la souffrance et, plus précisément la souffrance liée à une situation qui se répète et à laquelle l’enfant concerné ne sait pas comment y mettre un terme. Cette souffrance devient de plus en plus forte alors qu’au même moment l’enfant ou le groupe d’enfants qui s’en prend à lui gagne en confiance. C’est ce que nous appelons une escalade complémentaire. Au cœur de cette souffrance, il peut y avoir la répétition de moqueries, même anodines, d’insultes, de bousculades, de violence, d’isolement ou d’harcèlement via les réseaux sociaux.
Quels signes doivent nous alerter ?
Un des principaux signaux d’alerte est une rupture dans le comportement de l’enfant : une agressivité soudaine, notamment au sein de la fratrie, ou une baisse significative des notes par exemple. Si l’enfant ne souhaite pas parler, ce qui est souvent le cas pour les adolescents, il faut le mettre en confiance en lui faisant comprendre que l’on a bien remarqué que quelque chose le tracassait mais que l’on s’engage quelle que soit la raison de son problème à ne pas intervenir sans son accord. L’enfant peut se taire en effet par crainte de faire de la peine à ses parents, par honte ou par peur de leur réaction.
Cette crainte est-elle fondée ? Réagissons-nous si mal en tant que parents ?
Nous pouvons en tant que parents agir avec les meilleures intentions du monde et pour autant aggraver la situation. Nous ne maîtrisons en effet pas tous les codes ni le vocabulaire de cette génération. Nous sommes souvent tentés de régler le problème entre adultes ou directement avec le harceleur en excluant l’enfant harcelé de la solution, ce qui en donne une image de « faible » ou de « victime » qui lui sera ensuite reprochée par ses camarades. Il n’y a rien de pire pour un jeune à l’école. En outre, en agissant ainsi, on laisse penser à l’enfant qu’il est incapable de s’en sortir. Il a d’abord subi une situation humiliante et douloureuse. Et, maintenant, nous nous substituons à lui pour la régler. Il aura le sentiment d’être impuissant et dépendant d’un « sauveur » ou d’un « ange gardien ». C’est très dévalorisant et peu sécurisant.
Comment accompagner l’enfant si tel est le cas ?
Il faut le mettre en confiance tout d’abord en lui assurant qu’on ne prendra pas d’initiative sans son accord. Afin de lui permettre de se sentir soutenu et moins isolé, il faut le rassurer sur le fait que les adultes autour de lui seront vigilants et attentifs afin de trouver avec lui les solutions adaptées. En effet, souvent on a tendance à n’agir qu’auprès de l’enfant harceleur en lui rappelant les règles de vie ou en le sanctionnant. Or, l’enfant en situation de harcèlement doit être accompagné, soutenu et impliqué dans le règlement de la situation. On va lui apprendre à se défendre, à adopter une attitude ou à imaginer une réplique verbale permettant de déstabiliser le harceleur. Pour cela, il faut analyser la situation avec l’enfant, ses copains et l’équipe éducative, considérer ce que l’enfant a déjà tenté sans succès, imaginer la réponse et s’assurer que l’enfant se sente capable de le faire. Cela peut demander du temps et parfois, il est nécessaire de se faire accompagner par un spécialiste.
Que faire si c’est son enfant qui en harcèle un autre ?
C’est une bonne question et pourtant, à ce jour aucun parent ne nous a jamais contactés pour nous la poser ! Certains parents ont du mal à croire que leur enfant puisse se comporter ainsi. D’autres rappellent à leur enfant les règles du vivre ensemble. Mais cela risque de ne pas être efficace car le jeune harceleur n’a pas de raison en soi de s’arrêter. C’est également pour cette raison que les sanctions prises par l’école échouent souvent. Il faut, au-delà des discours moralisateurs ou des punitions, travailler avec le jeune pour lui faire comprendre qu’il y a deux façons d’être populaire : soit par la peur et la domination, ce qui ne dure qu’un temps, soit en faisant valoir ses qualités telles que la gentillesse, la générosité, l’empathie, le courage.
Emmanuelle Piquet est psychopraticienne, formée à la thérapie brève et stratégique de l’École de Palo Alto.
Fondatrice de Chagrin Scolaire, centre de consultations et de formations dédiées aux souffrances scolaires, elle accompagne les enfants, les parents et les enseignants dans les situations de harcèlement à l’école.
Elle est l’auteure de nombreux livres sur le sujet dont le Harcèlement scolaire en 100 questions.
Les ressources sur le sujet :
À regarder :
Les vidéos des petits citoyens, pour en parler avec votre enfant :
À lire
Le harcèlement scolaire en 100 questions – Emmanuelle Piquet, Édition Tallandier
Pour vous faire aider, vous pouvez appeler gratuitement le 3020 ou consulter le site Non au harcèlement.