Comment (ré)agir face aux violences faites aux enfants dans le sport ?, avec LLA et l’UNSLL

Le sport est un formidable levier pour l’épanouissement et la santé des enfants, mais il peut aussi être le théâtre de violences, qu’elles soient physiques, psychologiques, sexistes ou sexuelles. Alors qu’elles peuvent exister dans tous les sports, ce sujet reste souvent mal compris et tabou. Pourquoi en parle-t-on davantage aujourd’hui ? Quelle est la situation en France ? Et surtout, quels sont les moyens d’action pour les parents et les encadrants sportifs ?

Nous avons choisi pour répondre à ces questions deux acteurs ayant participés à l’élaboration du nouveau programme «Non aux violences faites aux enfants » porté par Léo Lagrange Animation : Cécilia Malet, responsable du pôle engagement Léo Lagrange Animation Ouest et Théophile Mendes, conseiller technique national pour l’Union Nationale Sportive Léo Lagrange (UNSLL). 

 

Pourquoi parle-t-on de plus en plus des violences faites aux enfants dans le sport ?

Les violences dans le sport ne sont pas un phénomène nouveau, mais elles sont aujourd’hui mieux documentées et reconnues grâce à une libération de la parole. Des témoignages d’athlètes, ainsi que des enquêtes menées par des universitaires, des médias ou encore des ministères, ont mis en lumière des situations longtemps passées sous silence et leur ampleur. Cela montre que ces violences peuvent se produire dans n’importe quel sport, à tous les niveaux, et dans divers contextes.

Cette prise de conscience est essentielle. Elle permet de briser les tabous et d’encourager enfants, parents et l’encadrement sportif à échanger sur ce qui peut poser problème. Libérer la parole est un premier pas crucial pour identifier les violences et agir efficacement.

Quelles formes de violences peut-on observer dans le sport ?

Le sport est un outil d’épanouissement, mais il peut aussi être le terrain de violences qu’il faut apprendre à reconnaître et à combattre. Ces violences peuvent prendre différentes formes, parfois difficiles à identifier :

  • Les violences physiques : elles incluent les coups, les gestes brutaux, mais aussi les entraînements excessifs qui dépassent les capacités physiques de l’enfant. Parfois, la douleur ou l’épuisement sont banalisés au nom de la performance, ce qui peut entraîner des blessures physiques et psychologiques
  • Les violences psychologiques : moins visibles, elles peuvent se traduire par des humiliations, des moqueries, des remarques dévalorisantes, ou la mise à l’écart d’un enfant. La pression excessive pour atteindre des objectifs peut également peser sur son bien-être mental.
  • Les violences sexistes : elles concernent les propos ou comportements discriminatoires fondés sur le genre. Cela peut aller des remarques sur les capacités physiques d’un enfant (« Ce n’est pas un sport pour les filles/garçons ! ») à des inégalités de traitement dans l’accès aux entraînements ou aux compétitions.
  • Les violences sexuelles : elles peuvent prendre la forme de harcèlement, de gestes déplacés ou d’agressions. Il est important de rappeler qu’une relation d’autorité ou de confiance entre un enfant et un adulte peut faciliter ces abus si les encadrants ne sont pas formés pour les repérer et les prévenir.
  • Les cyberviolences : les groupes de discussion, les réseaux sociaux ou les messageries liées peuvent aussi devenir des espaces de harcèlement, d’intimidation ou de diffusion de contenus inappropriés : photo prise dans les vestiaires, vidéo d’une mauvaise performance…

Quels sont les signes qui doivent alerter ??

Un enfant qui change brutalement de comportement peut être en souffrance, et les signaux ne doivent jamais être ignorés. Une perte soudaine d’enthousiasme pour une activité qu’il aimait auparavant, comme le sport, peut traduire un malaise profond. Il peut également s’isoler, éviter ses camarades ou refuser de participer aux moments collectifs, y compris en dehors des entraînements. Parfois, cette souffrance se manifeste par des troubles physiques, comme des maux de ventre ou de tête récurrents, sans cause médicale apparente. L’enfant peut aussi devenir plus irritable, anxieux ou, au contraire, se refermer sur lui-même. Un refus répété d’aller aux entraînements, surtout si l’enfant ne parvient pas à expliquer son malaise, doit alerter. Ces changements ne signifient pas toujours qu’il subit des violences, mais ils méritent d’être pris au sérieux, en engageant un dialogue bienveillant pour comprendre ce qu’il traverse.

Les adultes (parents, éducateurs, encadrants) ont un rôle clé : en restant attentifs, en créant un climat de confiance et en signalant toute situation préoccupante aux structures compétentes (clubs, associations de protection, plateformes de signalement).

Quelles actions sont déjà mises en place pour lutter contre ces violences ?

Le ministère des Sports français a intensifié ses efforts pour lutter contre les violences, notamment sexuelles et sexistes, à partir de 2020. Cette année-là, une convention sur la prévention des violences sexuelles dans le sport a été organisée, marquant le début d’une stratégie nationale dédiée.
Parmi les mesures mises en place, la cellule Signal-Sports a été créée pour recueillir et traiter les signalements de violences issus du monde du sport.
Depuis 2021, le ministère en lien avec les fédérations sportives, a également instauré le contrôle systématique de l’honorabilité des encadrants sportifs (comme il existait déjà pour les encadrants dans l’animation), professionnels et bénévoles, en vérifiant notamment le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (FIJAISV). Ce contrôle a été étendu aux juges, arbitres et surveillants de baignades.
En 2023, 56 postes supplémentaires ont été créés pour accélérer les enquêtes et garantir de bonnes conditions d’investigation au sein des différents services départementaux du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative.
La formation des encadrants a également été renforcée, avec l’obligation pour les organismes de formation d’intégrer des modules sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ainsi que contre les discriminations.

Dans le cadre de la politique gouvernementale portée par le ministère des Sports depuis 2020, les fédérations sportives agréées ont des obligations réglementaires et des responsabilités spécifiques en matière de lutte contre les violences, notamment sexuelles et sexistes, dans le sport. Pour cela, chaque fédération sportive agréée a nommé un référent chargé de piloter et de coordonner les actions de prévention et de sensibilisation des violences, de recevoir et traiter les signalements de violence et d’assurer un lien direct avec les autorités compétentes et les acteurs spécialisés de la thématique.
Chaque fédération sportive agréée est également dotée d’un dispositif de signalement interne (adresse mail, plateforme dédiée, ligne téléphonique etc.) propre à sa discipline, ainsi que d’une commission disciplinaire chargée de prendre les mesures disciplinaires adaptées.
Ces initiatives illustrent l’engagement continu du ministère et des acteurs sportifs pour prévenir et combattre les violences dans le milieu sportif en France.

De nombreuses initiatives voient également le jour en dehors des structures sportives, souvent portées par le tissu associatif. C’est le cas de la Fédération Léo Lagrange et Léo Lagrange Animation, dont font partis les petits citoyens, qui a initié en 2024 un projet pour lutter contre les violences faites aux enfants dans le sport, notamment les violences sexistes et sexuelles. Ce programme a abouti à la création d’une boîte à outils adaptée aux enfants de 7 à 11 ans, accompagnée d’une formation spécifiquement conçue pour les encadrants sportifs de tout type de structure. L’objectif est de sensibiliser, d’outiller et de former les adultes qui entourent les enfants dans le sport pour prévenir et lutter contre les violences, tout en veillant à ce que les enfants comprennent leurs droits et apprennent à reconnaître les situations inappropriées. Cela permet de renforcer leur capacité à se défendre et à agir face aux situations violentes, tout en leur offrant un cadre de sécurité et de respect.

Quel rôle jouent les parents et les encadrants dans la prévention des violences ?

Les parents, les encadrants et tous les acteurs du milieu sportif jouent un rôle essentiel dans la prévention des violences, qu’elles surviennent pendant les entraînements, dans les vestiaires, lors des déplacements ou dans d’autres moments liés à la pratique sportive. Il est de la responsabilité des adultes que d’apporter sécurité et protection aux enfants. Maintenir un dialogue ouvert avec les enfants est une étape clé pour identifier des situations préoccupantes. Cela implique de leur poser régulièrement des questions sur leurs ressentis, que ce soit pendant les entraînements, à la maison ou dans d’autres contextes, et de prêter attention à leurs relations avec leurs camarades, leurs encadrants, et leur famille : « Comment t’es-tu senti lors de l’entraînement », « Ce n’était pas trop dur de perdre ?», « Y a-t-il des camarades ou des coéquipiers avec qui tu aimerais mieux t’entendre ? »…

Il est tout aussi crucial de rester attentif aux signaux d’alerte. Un enfant qui montre des changements soudains de comportement, semble stressé ou évite certaines activités peut exprimer, consciemment ou non, un malaise. Ces signes doivent inciter à creuser davantage, en discutant avec d’autres adultes impliqués dans la vie de l’enfant, qu’il s’agisse de membres de la famille, des responsables du club ou des enseignants.
Enfin, il est indispensable d’agir rapidement en cas de doute ou si une situation préoccupante est identifiée. Cela peut passer par un signalement aux responsables du club, un appel aux services compétents ou le recours à des associations spécialisées. Il est également important pour chacun, y compris les parents, de s’interroger sur ses propres attitudes et comportements, afin de garantir un environnement bienveillant et respectueux pour les enfants, partout où ils évoluent.

Que peut-on faire pour aller plus loin ?

Il est crucial de continuer à sensibiliser, à former et à maintenir une vigilance constante pour garantir un environnement sûr pour les enfants dans le sport. Bien que des progrès aient été réalisés, il reste essentiel de renforcer la communication entre les parents, les encadrants et les enfants. Cette collaboration permet de mieux détecter les signes de violences et de créer un climat de confiance où chacun se sent libre de s’exprimer.

Un mot de la fin ?

La lutte contre les violences dans le sport est l’affaire de tous. Si des actions importantes sont déjà en place, il est essentiel de continuer à sensibiliser, à échanger et à agir ensemble. Parents, encadrants et clubs, chacun a un rôle à jouer pour garantir un environnement sûr et respectueux pour nos enfants. Chaque geste compte, chaque parole partagée doit faire la différence.

 

 

Contacts utiles

Signaler une situation préoccupante : Cellule du ministère chargé des Sports (mise en place d’une adresse et d’une plateforme de signalement dédiée aux violences commises dans le milieu sportif) : signal-sports@sports.gouv.fr

Pour les situations d’urgence :

Pour les victimes mineures : 119 : « Allô enfance en danger »
7j/7 – 24h/24 – Gratuit et confidentiel.
Le service propose également un tchat pour les moins de 21 ans et un dispositif d’échange en langue des signes française. Rendez-vous sur : www.allo119.gouv.fr/besoin-daide

 

Pour aller plus loin

Ressources en ligne

Guide juridique du ministère des Sports : www.dilcrah.gouv.fr/ressources/guide-juridique-sur-laprevention-et-la-lutte-contre-les-incivilites-les-violences-et-les-discriminations-dans-le-sport

Réglo’Sport : www.sports.gouv.fr/boite-outils-proteger-les-pratiquants-55

« Quand on te fait du mal » : le livret pédagogique sur les violences – MyUnicef : my.unicef.fr/article/quand-on-te-fait-du-mal-le-livret-pedagogique-sur-les-violences/

Sensibilisation aux VSS dans le Sport : view.genially.com/61685354e5f2580dc53093c3

 

À écouter
Culture monde, France culture : radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/violencessexuelles-l-omerta-enfin-brisee-9664621

Sport Respect, Les formes de violences dans le sport, Ausha : podcast.ausha.co/sport-respect/lesformes-de-violences-dans-le-sport

Protéger son enfant des violences sexuelles, Ausha : podcast.ausha.co/proteger-son-enfant-desviolences-sexuelles

 

En librairie
Le revers de nos médailles : des clubs au haut niveau, en finir avec la violence dans le sport, Patrick Roux, Karine Repérant, Dunod : placedeslibraires.fr/livre/9782100839674-le-revers-denos-medailles-des-clubs-au-haut-niveau-en-finir-avec-la-violence-dans-le-sport-patrick-roux-karinereperant/

Violences sexuelles et sport : L’essentiel pour agir, Olivier Coste, Philippe Liotard, Collectif, ed.Elsevier-Masson : placedeslibraires.fr/livre/9782294778797-violences-sexuelles-et-sport-l-essentielpour-agir-olivier-coste-philippe-liotard-collectif/

Ton corps t’appartient !, Lucia Serrano, Ian Ericksen, ed.Crackboom : placedeslibraires.fr/livre/9782898024115-ton-corps-t-appartient-lucia-serrano-ian-ericksen/

J’aime mon corps – Nikki Luna, Julienne Dadivas, ed. Bayard Jeunesse : placedeslibraires.fr/livre/9791036326219-j-aime-mon-corps-nikki-luna-julienne-dadivas/

Le Kit «Non aux violences faites aux enfants dans le sport» : https://lespetitscitoyens.com/lutter-contre-les-violences-faites-aux-enfants-dans-le-sport/

Le livret « Et si on s’parlait des violences faites aux enfants dans le sport ? » : https://lespetitscitoyens.com/produit/et-si-on-sparlait-des-violences-faites-aux-enfants-dans-le-sport/