Comment aborder les questions liées à l’argent avec ses enfants, avec Arwa Chaouki

Au supermarché ou lors d’une sortie, il arrive que les enfants veuillent tout acheter. Quand ils grandissent, la question de l’argent de poche apparaît rapidement. Pour les parents, parler d’argent avec leurs enfants, savoir quoi leur acheter ou combien leur donner peut se révéler être un vrai casse-tête. Pourtant, c’est en les impliquant dans les dépenses et en ne faisant pas de l’argent un tabou qu’on pourra leur apprendre à gérer au mieux leur budget, une fois adultes. Alors à partir de quand parler d’argent avec les enfants ? À partir de quel âge peut-on commencer à leur donner de l’argent de poche ? Comment les guider dans leurs dépenses ? On fait le point avec Arwa Chaouki, fondatrice de la plateforme Edukafi et intervenante en milieu scolaire et lors d’ateliers parents/enfants autour de l’argent.

À partir de quand peut-on commencer à parler d’argent avec les enfants ?

Entre zéro et six ans, l’argent est déjà très présent dans le quotidien des enfants : on les emmène faire les courses, ils observent les achats, les transactions d’argent. Même s’ils ne le verbalisent pas, ils voient notre comportement face à l’argent.

Dès quatre ou cinq ans, il ne faut pas hésiter à en parler sous forme de jeux, quand on joue à la marchande par exemple, ou à des jeux de société comme le Monopoly. Les enfants manipulent de fausses pièces et de faux billets, qui vont peu à peu leur faire prendre conscience de la valeur de l’argent.

Un peu plus tard, on a l’intervention de la petite souris qui va déposer une pièce : cela permet aussi d’évoquer la valeur de cet argent, on peut demander à l’enfant : « Que peux-tu acheter avec ces deux euros ? Regarde, deux euros, c’est le prix de tel livre ou tel objet. » Quand c’est l’anniversaire d’un copain ou d’une copine, les parents peuvent annoncer à l’enfant un budget et l’accompagner pour qu’ils choisissent un cadeau dans ce budget. À la boulangerie, on peut lui laisser donner l’argent au boulanger ou à la boulangère et récupérer la monnaie.

À quoi cela sert d’impliquer son enfant dès cet âge ?

Toutes ces petites interactions de la vie quotidienne vont permettre à votre enfant de commencer à avoir une notion de budget et cela va l’impliquer dans des décisions positives (quand on achète un cadeau à un copain par exemple).

Avec ces petits montants, l’enfant va pouvoir commencer à faire la distinction entre besoin et envie : on va lui expliquer qu’il y a des dépenses importantes et d’autres qui sont pour le plaisir, sur des situations très concrètes. Par exemple, avant une sortie au supermarché, on peut poser le cadre : « On y va pour acheter à manger et pas pour acheter un cadeau, mais on pourra acheter quelque chose qui te plaît une autre fois. » C’est important de verbaliser et poser le cadre avant la sortie pour que l’enfant puisse comprendre. Si lors d’une sortie on lui promet un achat pour lui, on peut lui expliquer avant que ce sera une chose seulement, et l’inviter à réfléchir à ce qui lui ferait le plus plaisir. Cela permet à l’enfant de construire sa réflexion par lui-même.

La communication est très importante. Il faut que l’enfant puisse en parler en toute sérénité. Si on a des difficultés financières, on peut le verbaliser : « Ce mois-ci je ne peux pas t’acheter ce cadeau mais peut-être que le mois prochain ce sera possible. »

À partir de quand donner de l’argent de poche ?

Le premier achat, seul, d’un enfant a lieu en moyenne à neuf ans. En primaire, on ne conseille pas de donner de l’argent de manière fixe. On peut donner de petites sommes ponctuellement, comme lors du passage de la petite souris ou pour l’achat d’un cadeau spécifique. Lorsqu’on projette de donner de l’argent à un enfant pour un achat, c’est important de lui donner la pièce directement, qu’il puisse visualiser ce que cet argent représente. C’est beaucoup plus concret que lors d’un achat par carte bleue.

À partir du CM2, et en fonction du mode de vie et de l’autonomie de l’enfant, on va pouvoir réfléchir à un argent de poche hebdomadaire. Mieux vaut commencer par une somme hebdomadaire plutôt que mensuelle pour lui apprendre à gérer l’argent sur le temps court.

C’est aussi important de bien communiquer pour fixer le montant et le cadre. On va baliser les dépenses et expliquer à l’enfant : « Cet argent, tu peux l’utiliser pour ça ou ça, moi je continue à gérer pour le reste. »

L’arrivée de l’argent de poche va lui donner d’autres bases : réfléchir à ses dépenses, choisir de mettre de côté ou non, se demander s’il a vraiment besoin de cela. L’argent de poche est le meilleur moyen d’éduquer les enfants à la gestion du budget et de mieux définir leurs goûts, leurs besoins et leurs envies.

Cela va aussi permettre aux parents d’observer le comportement des enfants : dans une même fratrie, certains peuvent être plus économes, d’autres plus dépensiers. C’est une manière pour les parents de comprendre les usages de leurs enfants et de continuer à les guider dans leurs dépenses, sans pour autant les surveiller : l’argent de poche, c’est justement pour aider l’enfant à faire ses propres choix. Mais de manière bienveillante, on peut établir ensemble une liste de choses qu’on peut acheter avec cet argent, par exemple. Et s’il fait une erreur, on peut en discuter : « Pourquoi tu as choisi d’acheter ça plutôt que ça ? Qu’est-ce que tu peux faire la prochaine fois pour mieux gérer ? »

Conseillez-vous des montants précis ?

Non, c’est à chaque parent de voir en fonction de sa situation financière et de ce qu’il peut donner. À partir de 12 ans, la moyenne nationale est à 36 euros par mois et elle augmente progressivement. Pour les adolescents de 15 à 18 ans, on atteint une cinquantaine d’euros en moyenne.

Comment les prémunir de la surconsommation ?

Une fois ou deux par mois, on peut faire le point sur les jouets et les vêtements, regarder ce qui ne sert plus ou qui est trop petit et discuter ensemble : est-ce qu’on les donne ? Est-ce qu’on les vend pour avoir un peu d’argent pour acheter autre chose ? Cela va leur permettre peu à peu de gagner en responsabilité face à leurs dépenses.