Les bienfaits de l’éducation physique et sportive (EPS), avec Éric Dugas

À l’école, les bienfaits de l’éducation physique et sportive ne font aucun doute. Pour autant, on continue souvent de qualifier cette pratique de « sport », alors que sa dimension éducative l’emmène bien plus loin que la seule technique sportive. Éric Dugas, professeur des universités en Sciences de l’éducation et de la formation à l’université de Bordeaux, propose de mieux définir cette pratique et de mettre en valeur ses bienfaits pour former les futurs citoyens de demain.

 
L’EPS est-elle du sport ?

Il y a une confusion entre le sport et l’éducation physique. Le sport est institutionalisé : vous avez une licence dans un club, vous participez aux entraînements et aux compétitions. Dès lors que nous sommes sur le versant éducatif, il existe une dimension bien plus large que ce qui touche aux exploits, au côté technique, à la victoire.

L’éducation physique et sportive consiste à se saisir de jeux, de sports et d’activités physiques réglées à des fins pédagogiques. L’EPS est donc un foisonnement de pratiques et d’activités. L’enseignant va se saisir de ces diverses activités pour atteindre les compétences éducatives visées. Bref, on fait de l’EPS, pas du sport ! C’est pour cela que l’on forme des enseignants d’EPS, pas des entraîneurs…

Qu’est-ce que cela change, concrètement ?

Ce but pédagogique change complétement la donne. On peut transformer les activités sportives, pour chercher par exemple la coopération entre élèves sans pour autant les pratiquer en systématisant la forme compétitive, pour battre l’autre ou les autres. On compte sur la créativité de l’enseignant, qui n’est pas un entraîneur, pour amener les élèves vers un épanouissement et un bien-être individuel et collectif, bien au-delà de la technique sportive, des habiletés motrices.  En somme, les activités sportives choisies ne sont que des moyens pour atteindre les finalités éducatives ciblées.

On va par exemple travailler sur les règles d’une activité, ce qui est socialisant, solliciter les dimensions corporelles, affectivo-émotionnelles et cognitives, seul ou en se frottant aux autres. On cherche à participer à la construction de citoyens autonomes, en lien les uns avec les autres. On est dans l’éducation, ce qui étymologiquement veut dire : « aller vers, élever, former, produire » donc apprendre à s’élever. L’individu est un tout : pour se construire en tant que citoyen, il va falloir tenir compte de son épanouissement global. Et l’éducation physique est un support, un levier parmi d’autres qui va aider à obtenir cela.

La compétition, très présente dans le sport, est-elle à rejeter en EPS ?

Le fait de s’entraîner, de gagner ou de perdre, ce sont des choses que nous allons retrouver dans la société. Donc oui, cela peut être enrichissant, voire utile de vivre ces situations via l’EPS.

Si la compétition est intéressante, il est important de ne pas la systématiser car l’apprentissage fondé exclusivement sur la compétition peut générer du stress, voire une baisse de l’estime de soi. Elle fait donc partie du « bagage », mais elle ne doit pas être exclusive.

Comment alors travailler sans compétition en EPS ?

Il existe des jeux sportifs où il n’y a pas forcément de gagnant ou de perdant ; Les émotions viennent d’ailleurs ; la compétition n’est pas le seul vecteur de la motivation. Par exemple, on va au fil du jeu changer de rôle, changer d’équipe, se mettre à la place de l’autre, comprendre ce qu’il veut, etc. Ces jeux permettent de solliciter ses compétences psychosociales. À l’enseignant de jouer sur tous ces ressorts éducationnels. C’est lui qui a les clés pour choisir les activités et les situations qui en découlent en déplaçant le curseur vers le pôle compétitif ou plus partageant : savant dosage d’un expert donc…

Par ailleurs en EPS, des activités comme la danse, l’acrosport, l’escalade (en solo ou en duo), etc., ne sont pas par essence des activités fondées sur la compétition. Les émotions individuelles ou collectives qu’elles procurent en font toute leur saveur…

Il existe de nombreux jeux sportifs où l’engagement par le corps est un bon média pour le développement de l’apprentissage. Pour la santé physique, mentale et sociale, c’est important aussi d’avoir des activités en dehors de la classe (sport, activité physique informelle, de loisir…). Qu’importe le support tant qu’on arrive aux fins éducatives ambitionnées.

Quels en sont les apports pour les enfants ?

Avant, nous avions une vision de l’apprentissage très transmissive, du professeur vers l’élève. Et tout ceci avec une conception duelle du corps et de l’esprit :  les apprentissages cognitifs, en mathématiques ou en français par exemple, étaient totalement détachés des activités physiques et sportives encore trop souvent minorées.

Or l’individu est un tout. Dès lors que l’on sort de ce dualisme, on peut appréhender la subjectivité de la personne et son développement personnel en recherchant le bien-être physique, mental et social : ce qui est la définition de la santé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Vivre des activités physiques, c’est améliorer sa santé à tous ces niveaux. On a tendance à voir les bienfaits de l’activité physique uniquement par le prisme de la santé physique, mais les deux autres dimensions sont fondamentales et corrélées. La dimension sociale, notamment, est très importante : par l’activité physique, on apprend à aller vers l’autre, à vivre ensemble. La santé mentale au prisme des activités physiques et sportives est aussi à ne pas négliger. La pandémie que nous avons vécue a révélé toute l’importance des interactions humaines et qu’il ne fallait pas rester cloisonné sans activité physique. L’EPS lie ces deux données fondamentales.

L’école permet de créer des habitudes et du plaisir (immédiat et différé) dans l’activité qui vont se poursuivre au-delà de l’école. Elle permet la création de temps de rencontres autour des activités de loisirs, activités physiques ou de sport.

Au final, c’est essentiel pour la construction de futurs individus bien dans leur corps et bien dans leur tête. Il est important de ne pas rester dans des activités uniquement cognitives ou sédentaires. Dans un contexte de hausse de la sédentarité, du numérique, du cyberharcèlement, c’est important de défendre l’EPS, dont les conséquences positives vont bien au-delà de l’école.

À la maison, c’est la même chose : si un enfant bouge, fait des jeux en plein air ou des activités sportives avec ses frères et sœurs au lieu de passer son temps seul devant les écrans, ce ne peut qu’être bénéfique pour sa santé physique, sociale et mentale. Il apprendra aussi, si ces activités sont bien encadrées, des valeurs importantes comme l’empathie, la solidarité, le partage.

Et ces activités se partagent aussi en famille, avec les parents. Vous pouvez organiser des jeux ou activités physiques tous ensemble, ce qui fera du bien aux enfants mais aussi aux parents.  Créer du lien, des émotions sont le ciment du vivre-ensemble, ou plutôt du faire-ensemble. L’EPS en est une magnifique illustration si elle est prise en considération à sa juste valeur éducative…


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Éric Dugas est professeur des universités en Sciences de l’éducation et de la formation à l’université de Bordeaux.


Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :

À lire

Le billet d’Éric Dugas sur le site de l’Obs

Le dispositif « Plus de sport à l’école » mis en place par le ministère de l’Éducation nationale en lien avec les JO 2024

Ça bouge ! Corps, sport et sciences, un livre de Christian Camara et Claudine Gaston

 

À découvrir

L’EPS, une discipline en mouvement, podcast de l’émission Être et savoir sur France Culture

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