Mieux apprendre grâce aux apports de la psychologie, avec Franck Ramus

À l’école comme à la maison, les enfants n’apprennent pas toutes et tous de la même façon. Les parents et enseignants doivent s’adapter au quotidien, ce qui nécessite patience, inventivité et adaptabilité. Pour mieux les accompagner, la recherche en psychologie peut être précieuse. Que nous apprennent les chercheurs et chercheuses sur les comportements de nos enfants ? Y a-t-il des schémas d’apprentissages favorables à tous ? Comment s’adapter à chacun ? On fait le point avec Franck Ramus, chercheur en psychologie et membre du conseil scientifique de l’Éducation nationale.

Les enfants d’une classe n’ont pas tous le même comportement, ni les mêmes façons d’apprendre. Est-il possible de s’adapter à chacun et chacune ? Comment ?

Un professeur ne peut pas s’adapter à chaque élève dans une classe entière. Ce qu’il peut faire de mieux, c’est enseigner en utilisant des méthodes pédagogiques qui ont fait la preuve de leur efficacité pour la majorité des élèves. Ensuite il peut offrir une pédagogie différenciée plus adaptée aux besoins de la minorité d’élèves pour qui les méthodes « majoritaires » ne conviennent pas.

Cela n’a rien d’évident car sur les façons d’apprendre, tout et son contraire a été dit. Par exemple, il existe tout un discours sur les « styles d’apprentissage », prétendant que chaque enfant aurait un type d’apprentissage soit visuel, soit auditif, soit kinesthésique (mouvements du corps), et qu’il conviendrait d’enseigner à chacun selon son type d’apprentissage.

En fait, aucune recherche n’a démontré l’efficacité de cette démarche. Ce que les recherches en psychologie de l’éducation ont montré, c’est que tous les enfants apprennent mieux lorsqu’on leur présente l’information sous plusieurs formes à la fois. Par exemple, en utilisant celles visuelle et auditive, et éventuellement en mettant en jeu le toucher ou la motricité quand c’est possible.

Concernant les élèves à besoins particuliers, il est difficile de dire des généralités tant les situations sont diverses. Parfois les enseignants croient qu’il est important de connaître le diagnostic de l’enfant (bien qu’il soit protégé par le secret médical), et qu’à chaque diagnostic correspond des pratiques spécifiques. En fait ce n’est pas vraiment nécessaire. Le plus pertinent pour l’enseignant, c’est d’identifier les besoins spécifiques de l’élève, quel que soit son diagnostic, et de s’efforcer d’y répondre en adaptant la pédagogie, le mode de communication et/ou la quantité ou la nature du travail demandé.

Comment aider les enfants à mieux apprendre, en tant que professionnel de l’éducation ? En tant que parent ?

C’est une vaste question à laquelle on peut fournir de multiples réponses. L’une des approches générales la plus reconnue par la recherche est celle de l’enseignement explicite. Elle consiste à détailler et expliquer les objectifs d’apprentissage à l’enfant. Ensuite, on va le guider soigneusement tout au long du parcours d’apprentissage prédéfini.

Un autre aspect important est d’aider les enfants à mieux mémoriser ce qui est enseigné. Non seulement jusqu’à la date du contrôle, mais aussi après pour que ces connaissances et compétences puissent se transférer hors du cadre scolaire. Les pratiques qui ont le mieux fait leurs preuves consistent à demander très régulièrement aux élèves de restituer ce qu’ils ont appris, et de travailler sur ces contenus non seulement en récitant mais aussi en reformulant, en utilisant et en créant des liens entre ces connaissances.

Comment expliquer les comportements dits « perturbateurs » qui peuvent mettre en difficulté les parents ou les professionnels de l’éducation ?

Ces comportements peuvent sembler incompréhensibles de notre point de vue extérieur, mais tout comportement a des causes, et remplit en général une fonction pour l’enfant. Il peut s’agir par exemple d’attirer sur soi l’attention de ses camarades ou du professionnel, d’asseoir sa domination sur les autres, d’obtenir quelque chose de désirable, ou d’éviter quelque chose de désagréable.

Comment les réguler ?

La réponse spontanée de la plupart des parents et professionnels de l’éducation, est une approche répressive : on va sanctionner les comportements perturbateurs, avec une sévérité plus ou moins proportionnelle à la gravité de l’infraction. Malheureusement, si cette approche permet d’obtenir le calme ponctuellement, elle n’enseigne pas les comportements à adopter. Elle n’a à peu près aucune efficacité pour faire diminuer ces comportements qui posent problème. Et à l’école, elle conduit souvent à une escalade des sanctions et des infractions, et au rejet mutuel entre l’école et l’élève.

Les recherches scientifiques ont montré qu’il était beaucoup plus efficace de se focaliser sur les comportements positifs, ceux que l’on voudrait obtenir de tous les élèves comme le respect ou l’empathie par exemple. Il faut les enseigner explicitement, et les récompenser lorsqu’ils se produisent, de manière à ce qu’ils se répètent plus fréquemment et finissent par remplacer les comportements perturbateurs.


avatar

Franck Ramus est directeur de recherches au CNRS, membre du Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique de l’École Normale Supérieure de Paris. Il est également membre du Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale.


Les ressources éducatives pour accompagner votre enfant :

 

À lire

Éduquer sans s’épuiser, d’Alan Kazdin, Éditions Solar

La synthèse du Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) sur l’enseignement explicite

 

À découvrir

Le Mooc de Franck Ramus à destination des enseignants

Une conférence de Franck Ramus à destination des parents

La vidéo de David Louapre pour mieux apprendre et étudier

Autres réponses d'experts